Lettre à un ami décédé.

Lettre à un ami décédé , de trop d'alcool, trop de cigarettes, trop de souffrance
 
Depuis des années, tu vis avec ton meilleur compagnon de route, l'alcool. Peu à peu, il a tout remplacé dans ta vie : ta famille, ton amour, tes enfants, ton travail. Il est heureux, il t'a pour lui seul maintenant, il triomphe en t'offrant un nouveau verre de ce liquide dont tu ne peux même pas imaginer l'absence.
Tu sais que ta vie se réduit comme peau de chagrin, dirais-je que tu t'en moques ? Oui, dans la mesure où pour arrêter ce processus, il te faudrait aussi arrêter l'alcool, tu n'as même pas à choisir tellement il est évident que tu donnes la préférence à celui-ci, quelqu'en soit les risques.
Rien d'autre ne t'intéresse, tu vois tout à travers le prisme de la bouteille pleine d'un liquide de différentes couleurs, selon les jours. Ce prisme est déformant, tu le sais, mais ça aussi, tu ne te sens pas concerné. Ta relation avec l'alcool n'a rien à voir avec la vie, ni avec la mort d'ailleurs, c'est lui et toi, tu es lié à ce produit à vie, tu ne peux même pas imaginer une seconde t'en séparer.
Tu es calme et gentil, mais si jamais quelqu'un t'empêche de prendre un verre, tu peux devenir un monstre dangereux. On ne touche pas à ton verre. C'est toi qui bois, toi qui l'as décidé et nul ne t'en empêchera.
Tu as toujours été prêt à tout pour avoir ce que , moi, j'appelle poison. Tu as menti, tu as volé, tu as triché, tu as même bu n'importe quoi pourvu qu'il y ait de l'éthanol dedans, le goût importait peu, il fallait que ce liquide coule dans ta gorge pour que tu puisses vivre.
Mais voilà, c'est fini, aujourd'hui, tu as été obligé de lui  dire adieu , tu seras enterré demain matin. Je pense que je mettrai une bouteille de whisky dans ton cercueil, on ne sait jamais, peut-être en auras-tu besoin pour réussir à mourir, faute d'avoir réussi à vivre.
Adieu l'ami…

Une lettre poignante 

Bonjour,
En profite de cette lettre qui me touche en plein cœur pour témoigner de ma présence silencieuse sur le forum depuis plusieurs mois.
Cet été le père de mon fils, dont je suis séparée depuis plus de 15 ans à quitté notre monde à l'âge de 45 ans et sa vie compliquée par une maladie alcoolique ancienne. La lecture de tous vos posts m'éclaire beaucoup plus sur ce qu'a été sa vie. Ayant un travail jusqu'au bout, inséré, plutôt soigné, hormis pour les personnes témoins de ses frasques très bruyantes et dangereuses pour les autres et pour lui surtout, il ne correspondait pas au cliché "du poivrot" qui rassure tout un chacun dans le réconfort de ne pas lui ressembler.
Rattrapé cet été par une consommation accrue, des problèmes financiers, il a fini par solliciter une entrée en psychiatrie, suivie d'une cure... À sa demande je lui ai apporté du tabac à l'hôpital psychiatrique, mais ne lui ai pas de demandé pourquoi il avait demandé à être hospitalisé en pleine nuit (j'apprendrai plus tard que c'est pour se protéger de lui même, comme il a pu le confier à sa mère a l'étranger, qui n'en a informé personne sur place). C'est la dernière fois où je l'ai vu, il avait décidé de repartir dans son pays, près de sa fille, petite, après la vente de sa maison.
Après 2 semaines de psy et 3 jours de cure il est rentré chez lui (cure pas préparée, démarches de vente maison à gérer en même temps...).
Il a repris son travail une semaine, à vécu un ascenseur émotionnel (offre de vente puis rétractation pour la maison) et à été retrouvé mort chez lui 2 semaines après son départ de cure.
Étranger et alcoolique, j'ai eu le sentiment qu'elus, pompiers, médecin ne se sont pas trop apesantis sur les causes du décès. Mort naturelle. Quand j'ai appelé le médecin en question, qui n'était pas son médecin traitant et qui a dû se faire une idée d'après les propos des pompiers et élus, il a commencé par user de moults circonvolutions pour essayer de me dire,(je l'ai aidé un lui disant oui il était alcoolique, c'est une maladie, navrée de devoir rappeler ça a un soignant) qu'il était abîmé par l'alcool.
Par la suite, j'apprendrai par son entourage (pas du meilleur conseil par ignorance) qu'il était très confus les derniers jours, perdu et qu'il avait même fait une TS en laissant une lettre à son ami, un voisin. Malheureusement, l'une des personnes, tenancière du bar local, lui aurait dit qu'il n'avait pas besoin de retourner à l'hôpital, qu' il s'était déjà arrêté seul... L'ami en question, évoqué la TS en parlant "du tour qu'il m'a fait" sans avoir conscience qu'il s'agissait d'un appel au secours.
Depuis, en lisant vos posts, je réalise plein de chose :
-il avait dans son enfance tous les ingrédients que vous citez pour devenir alcoolique (maltraitante, abus, parents alcooliques, société où alcool valorisé..)
-méconnaissance de ce qui touche à la santé mentale par la majorité des gens
-mépris envers les malades alcooliques et leur entourage (propos tenus par élus, professionnels du funérarium devant mon fils et moi, qui ne sont pas tenus quand un fumeur meurt d'un cancer des poumons. Le fait qu'il soit étranger à peut être joué aussi)
Bref, depuis je gère une forme de culpabilité à ne pas l'avoir aidé directement dans ses problèmes financiers, à ne pas être allé le voir suite à son départ de cure... Et ça me fait du bien de vous lire, sans aucune forme de voyeurisme... Si celà vous pose un problème, j'arrêterai, trop consciente du courage qu' il vous faut pour combattre...
Qqes petites lumières auxquelles je m'accroche : de plus en plus personnes publiques ou inconnues témoignent dans les médias de leur addiction, par ailleurs, venant d'Australie un organisme forme aux premiers secours en santé mentale (je travaille dans le social et nous bénéficions de cette formation destinée à destigmatiser les problèmes de santé mentale et à sensibiliser les gens à la conduite à tenir dans certaines situations et surtout comment orienter les personnes vers les professionnels adaptés.

De mon côté, j'essaie quand je le trouve pertinent de rappeler que l'alcoolisme est une maladie et je l'évoque sans tabou comme maladie ayant conduit au décès de ce proche.

Désolée pour la longueur de mon écrit. Bon courage et bonne continuation à tous.

Merci de ton post, je me demandais, en te voyant souvent présente, qu'elle pouvait être ton histoire, maintenant je sais. Tu as toute ma compassion. Ton ex a dû en baver un maximum pour passer à l'acte. En tout cas merci de ta confiance, et bien sûr, tu sais qu'ici, il n'y a pas de jugement, juste de l'aide et de la compréhension.
Ton fils, connaît l'histoire de son père et comment vit-il son décès ?
Tu peux tout à fait participer au forum, tu y as tout à fait ta place.Merci de nous avoir parlé....

Bonjour abibou et bienvenue sur onsaide  Ce forum est là pour tout le monde tu sais et tu y as tout à fait ta place, tu es aussi victime de l'alcool même si c'est du coté de l'entourage.
Il va falloir que tu t'enlèves cette culpabilité tout de suite, c'est ça qui va te détruire et tu n'as pas à te sentir coupable, tu n'étais pas sa mère et pas sa femme et quand bien même, ce n'est pas à l'épouse de s'occuper du mari  Ils sont adultes et aptes à s'occuper d'eux tout seul et si ils ne le font pas, c'est leur choix. 
Chacun doit s'occuper de sa propre vie, sauf pour les enfants où on est tenu de les élever et de les protéger mais les adultes ont les armes pour se protéger ou se soigner et même si ils n'y arrivent pas, ce sont les soignants qui doivent s'en occuper. Alors NON, pas de culpabilité là, tu en as déjà fait assez et tu as ta vie à gérer et celle de ton fils.
J'espère que tu continueras à utiliser le forum pour vider ton coeur, pour y mettre tes questions, tes doutes, tes peurs ou juste pour écrire et ne pas te sentir seule.
Tu es au bon endroit pour avoir de l'aide mais ce serait peut être une bonne chose que tu trouves toi aussi un professionnel pour te sentir soutenue et pour cicatriser des blessures encore bien douloureuses.
On est avec toi, n'hésite pas 

Bienvenue sur Onsaide , merci pour ce post très explicatif et cette confiance de nous avoir aussi dévoilé ta présence silencieuse qui n'en est plus une maintenant.

 Nous serons ravie de de lire , de partager, de soulager ou adoucir tous ces non-dits accompagnés de blessures ou de souffrances silencieuses  souvent plus douloureuses qu'il n'y paraît.

Merci pour ces retours. Ça me fait déjà avancer de ne plus être "clandestine".
Cristal, pour les soignants, les généralistes du moins, c'est denrée rare vers chez moi et malheureusement pas toujours très formés ou juste sensibilisées en addicto.
Prenez tous soin de vous, vous comptez pour vos proches.

Il y a des groupes de paroles pour entourage et tu dois avoir des psychologues ou thérapeute peut être dans ton coin? mais c'est pour t'aider et réparer ce qui a pu être détruit en toi, à voir si tu en ressens le besoin ou non.
Si tu veux, tu peux t'ouvrir un fil dans la partie entourage pour avoir un coin à toi sur le forum, tu es la bienvenue et c'est avec plaisir que nous converserons avec toi   Les gens ne lisent pas forcément les "  débats et sujets de fonds" , plutot les témoignages ,tu aurais plus de réponses 

Je vois une psychologue. Au delà de la maladie alcoolique et du gâchis qu'elle peut engendrer il y a la tristesse normale d'un deuil, d'autant plus quand le proche est si jeune. J'avais déjà rencontré cette psy pour des raisons personnelles liées à mon enfance. Je réalise maintenant que c'était peut être nos enfants intérieurs abîmés qui nous avaient réunis avec mon ex. Je travaille sur moi avec elle.

Ce qui me restaure un peu actuellement c'est quand dans un échange avec des connaissances ou des proches je parviens à communiquer sur le fait que l'alcoolisme est une maladie ou sur l'ambivalence de notre société par rapport au produit.
Celà fait 2 ans que je fais le dry January (la première fois avant le décès du père de mon fils) et les réactions des gens quand on refuse un verre d'alcool sont assez édifiantes et suscitent des échanges intéressants.
Je vais réfléchir à ouvrir un post dans la section entourage, en effet ce serait adapté.
Merci. Bonne soirée