Notre alcoolisme a-t-il été un échec....

Doit-on voir notre alcoolisme comme un échec, une fois devenu abstinent ?
 
Pour pouvoir parler d'échec ou pas, il me semble qu'il faut voir l'avant et l'après de cette période plus ou moins longue d'alcoolisation.
 
Si on en vient à boire c'est souvent parce que, à une époque donnée, c'est la seule solution qui nous permettait d'affronter une vie qu'on n'arrivait plus à supporter. Il y en a qui choisissent de se suicider, d'autres tombent dans l'alcool, à la limite on pourrait dire  que l'alcool a évité à beaucoup de personnes de se suicider…
 
Pendant notre période alcoolisée, c'est évident que nous ne pouvions vivre ces moments que comme des échecs à répétition. Nous n'avions pas conscience que l'alcool nous amenait dans des situations ingérables et nous faisait aller d'échec en échec, échecs de plus en plus graves d'ailleurs…
 
Mais ce qui change tout c'est lorsqu'un malade alcoolique décide de se faire aider pour en sortir….. Là, la porte s'ouvre et après un tunnel plus ou moins long, c'est une toute autre personne que l'on retrouve.
 
Si on considère la période après l'alcool, on se retrouve donc face à une personne qui a changé du tout au tout, la personne qui a arrêté de boire, s'est soignée, elle a fait un gros travail sur elle-même, elle a trouvé ses failles et a réussi à les colmater ou à vivre avec.
Elle a compris ce qui l'avait poussé à boire et dorénavant elle ne rechercher plus l'alcool pour combler ses manques affectifs ou autres.
 
En général on trouve une personne sereine, bien dans sa peau et dans sa tête, une personne qui a trouvé un équilibre de vie qui lui convient très bien et une personne qui ne pense plus à l'alcool car sa vie va bien….Ce qu'on appelle une personne "hors alcool", ces deux mots sont très appropriés à la situation, je trouve.
 
L'alcool a finalement été le moyen de renaître à la vie.
 

Ce que je pourrais considérer comme un échec, ce sont toutes ces années que j'ai perdues dans l'alcool, mais "J'ai suffisamment perdu de temps avec l'alcool pour continuer a encore en perdre avec des regrets. "

Merci Shale pour cette invitation à réfléchir. 
Pour ce qui me concerne je me suis  posé la question du "temps perdu", des occasions manquées à cause de l'alcool . Mais assez vite, peut être au bout d'un an ou deux (quand même), j'ai plutôt pensé que ça avait été une expérience. Une expérience de souffrance certes , mais, à ce titre ça m'avait construite. L'alcool a fait partie de mon histoire, et l'arrêt a aussi été une expérience....et de cette dernière je suis carrément fière. 
Ça me confère une vision du monde singulière, une forme de compréhension que je n'aurais pas acquise sans alcool. Je ne souhaite à personne de faire cette expérience mais, une fois faite, et "dépassée" ça m'a permis de comprendre les autres et particulièrement en évitant tout jugement. Je peux réprouver les actes et les comportements mais pas la personne malade. 
Je n'en fais pas une médaille mais, aujourd'hui, j'accepte tout à fait ce vécu comme un élément de mon identité. La culpabilité s'est dissoute au fil des années. Penser à cet "avant" est pour moi un élément indispensable à la vigilance. Le forum m'a permis de comprendre que cette vigilance ne devait jamais se relâcher. Au bout d'un moment elle s'intègre au quotidien, ce n'est ni obsédant ni fatigant. 
Donc, non , l'alcoolisme je ne le vis pas, aujourd'hui,  comme un échec ...

je n'ai jamais pensé à l'alcool comme une mort lente,je n'ai pas recherché dans l'alcool un moyen de me détruire mais plutot un moyen d'être une autre personne plus forte, plus interessante et sans doute aussi un moyen de ne plus me prendre la tête avec mes questions existentielles permanentes. L'alcool anesthésiait mes émotions ce qui me permettait de ne plus ressentir la tristesse et le mal être de ma vie mais je n'ai jamais pensé au suicide.
Comme Béa, je ne regrette pas ces années sans doute parce qu'elles ne m'ont rien enlevé et que j'ai eu la chance de m'arrêter avant de toucher mes enfants ce qui est la chose la plus précieuse de ma vie. Je prends aussi cette période comme une expérience qui m'a permis de révéler le meilleur de moi même, de mettre au jour une force que je ne soupçonnais même pas et que je n'aurais pas pu faire ressurgir si je n'en avais pas eu besoin pour combattre l'alcool. Il m'a aussi fallu analyser ma vie,la comprendre et cela me permet aujourd'hui de ne pas faire certaines erreurs avec mes enfants et de mieux vivre ma vie d'adulte.
Toute cette période m'a donc donné des leçons pour ma vie d'aujourd'hui. Il est évident que je ne suis pas fière de cette période où j'ai montré le pire de moi même  Mais j'ai réussi à faire de cette période un tremplin positif pour mon avenir et celui de mes enfants.
Alors NON,ma vie avec l'alcool n'est pas un échec parce que j'ai su transformer cette partie de ma vie en quelque chose de beau et de constructif 

De toutes les façons comme tu l'écris c'est le seul "remède" que l'on avait pour combler cet état bancale!!! J'étais psychologiquement fracassée par une perverse narcissique, et l'alcool était omniprésent, à porter de main, la facilité en quelque sorte, durant 30 ans au moins. A quoi bon, vivre avec des regrets dans le passé, à ressasser ce qu'on aurait pu faire si on avait pas été alcoolisé!
Je pourrais dire au lieu d'avoir élevé un enfant j'en aurai eu 2, au lieu d'avoir eut 5 boutiques j'en aurais eu 6+, ect...

Maintenant, effectivement j'ai trouvé un équilibre de vie, pas encore en retraite à entreprendre mes voyages, à espérer vivre au bord de la mer, ne plus avoir ces horaires de commerçants...

Avec une vie hors alcool, franchement je ne me prends plus la tête comme avant, à m'angoisser perpétuellement ( remarque avec des boutiques à gérer tu t'angoisses même pas alcoolisé) mais surtout de ne plus trouver dans  ce soit disant échappatoire, cet oubli, ce refuge illusoire, dantesque où l'alcool vous emprisonne ! 

Ma folle de mère fait et fera partie de mon patrimoine génétique, je la regarde vivre maintenant avec une pitié désabusée, plus ça va moins ces paroles qui me bouleversaient , me détruisaient, ne me font ni chaud, ni froid, je m'en fiche royalement, des fois même ça me fait rire à en pleurer!!!!! J'ai appris à prendre du recul, à me protéger aussi.
Qui l'eu crut, il n'y a pas si longtemps encore!

Néanmoins, tu emploies l'expression "rire à en crever" qui n'est pas anodine, on ressent encore malgré tout ce que tu as dépassé, le poids que ta mère a fait peser sur tes épaules....Il fallait être forte pour se relever de ça....

Je suis bien d'accord avec toutes vos réactions. Pour ma part, comme déjà précisé, la sobriété m'a permis de passer des concours, même tardivement. Néanmoins, je ne peux penser de temps à autres que j'ai perdu 20 ans sur le plan professionnel. Malgré tout, j'ai vécu plein de bonnes choses.
Maintenant, je ne veux plus perdre même une minute de mon existence à aller au super marcher acheter de l'alcool, perdre mon temps et me mettre dans le brouillard en le buvant, et encore perdre plus de temps en sommeil réparateur et en récupération le lendemain.
Au final, que de temps perdu....mais ce fut une expérience. Malheureuse, mais une tranche de ma vie que je ne peux effacer et qui fait partie de mon parcours de vie.
L'avantage que j'y vois, c'est que je pourrai guider mes enfants lors de l'adolescence afin qu'ils ne gâchent pas un potentiel éventuel.

La question, qui parait simple, est en fait plus complexe pour moi.

Si je regarde froidement ce que m'a apporté le fait d'être malade alcoolique, je ne peux que constater que c'est une échec: Comment pourrait-il en être autrement, cela reviendrait à dire que la consommation excessive d'alcool est un bienfait   
Si je regarde le résultat, il est consternant: Une famille brisée, un divorce à gérer, des enfants séparés de leurs parents ensembles, des anniversaires de mes enfants loupés et je pourrais en rajouter une pleine page.
Donc oui, c'est un échec: J'aurais du/pu réagir plus tôt, éviter tout cela, c'est donc un échec personnel.
Bien sûr, on peut toujours objecter que finalement je ne devais pas être si heureux que ça dans ma précédente vie, que même sans alcool mon mariage aurait pu échouer, mais force est de constater que c'est bien l'alcool qui est à l'origine de la séparation, que maintenant malgré toute la meilleure volonté du monde, je n'arrive pas à recoller les morceaux, que j'ai échoué à écouter les alertes, les messages, la détresse ...

Maintenant, le fait d'entamer ma 3ème semaine "hors alcool" est un succès, une fierté sur laquelle je peux m'appuyer: C'est dur, et ça démontre une réelle envie de s'en sortir.
L'alcool a provoqué ma perte d'emploi l'année dernière, mais maintenant, je suis dans une nouvelle boîte, plus sympa, à un poste que je préfère à mon précédent ! Mais dois-je remercier l'alcool ??
La prise en charge de ma maladie m'a aussi amené à faire une introspection, à revoir la relation avec mes parents d'une façon plus saine, à me remettre en cause...

Mais la balance n'est pas équilibrée pour moi et penche du côté échec.
Après, je ne sais de quoi le futur sera fait, peut-être que dans quelques années, je penserai différemment, mais ça je ne peux pas l'affirmer aujourd'hui !

Je n'ai pas écrit rire à" en crever", mais pleurer! Remarques, j'ai déjà utilisé cette expression, plutôt crever que de retoucher à l'alcool! Mais là c'est pleurer, je ne sais même pas si je pleurerai le jour où j'assisterai à son enterrement! Juste, je pousserai un immense soupir de soulagement, sois en certaine. 

Lechat,tu es encore jeune dans ton abstinence c'est pourquoi tu ne peux pas voir encore ce que peut t'apporter ce combat contre l'alcool.Pour le moment, savoure seulement les bienfaits du moment et tout ce que tu vas retrouver peu à peu et en mieux.C'est bien plus tard que l'on peut faire un autre constat sur notre passé dans l'alcool,à 3 semaines sans alcool,je crois que j'en étais à pleurer de voir à quoi ressemblait ma vie et à me demander comment j'allais pouvoir me sortir de tout ces dégâts que j'avais fait  
Alors c'est normal que pour le moment, tu ne puisses pas voir autrement que comme un échec ta vie dans l'alcool, ta vision des choses sera différente plus tard, quand tu pourras voir tout ce que tu fais maintenant et dans les années qui viennent et que tu n'aurais pas fait sans ce passage malheureux 

Il y a quelque chose qui s'appelle la résilience et qui nous aide à sortir de ce qui aurait pu être un échec....C'est vrai que j'ai perdu six ou sept de mes plus belles années, mais grâce à l'alcool, je me suis formée à l'alcoologie, à l'informatique et je m'en suis servi pour essayer d'aider les autres malades alcooliques qui n'ont pas eu la chance comme moi, de s'en sortir....Ce qui fait qu'au final, je suis très fière de mon parcours et ça m'aide à ne pas regretter ce temps passé alcoolisée....

Je constate que je fais bcp plus pour moi que lorsque je buvais. Aurais-je fait autant toutes ces années sans boire ? Probablement, mais pas assurément, je ne saurai jamais :-) Est-ce que cela vaut la peine que je me dévalorise, à mes yeux, pour cela ? Là je pense que ce serait des émotions négatives à faire naitre...

Deux points qui ne sont pas des échecs pour moi grâce à mon arrêt du poison :

- Avant d'arrêter l'alcool, et d'entreprendre une démarche pour le faire, je ne cherchais pas autant à comprendre mon fonctionnement et ce qui explique cette manière de fonctionner que j'ai. C'est un atout et ça va continuer de payer si je continue de le faire. C'est pour cela, entre autre, que je viens ici.

- Je n'ai jamais eu de confrérie, de sentiment d'appartenance à un groupe, comme j'ai en venant ici et en allant au MAB. Pour moi, c'est aussi un acquis. 

Bilan positif pour moi :-)

Je pense aussi que notre introspection,  nous aura permise  de nous donner , fixer un cadre, je sais ce que je veux Ét ce que je ne souhaite plus avoir!
De nous positionner , de nous affirmer plus sereinement avec nos besoins, nos envies ,désirs, en prenant conscience de notre capacité à évoluer, à s''adapter.
Je privilegie effectivement beaucoup plus mon bien être, je respecte une qualité dans mon hygiène de vie, ensuite je sélectionne beaucoup plus mes relations, Ét là où je te rejoins PPP j'éprouve un réel plaisir d'apprendre à appartenir à une fraternité dans mon MAB.
L'écoute et le respect de l'autre, sans lesquelles aucune vie sociale ne pourraient te permettre d'acquérir , d entreprendre et poursuivre des échanges constructifs et  gratifiants.