Evolution de la dépendance alcoolique

Je voudrais revenir plus précisément sur l'évolution de la dépendance que j'avais juste abordée dans un dernier édito…Je vais essayer de vous restituer les diverses phases que traverse un malade alcoolique qui avance dans cette maladie.
Tout d'abord, il y a ce qu'on pourrait appeler la phase préalcoolique
Certaines personnes prennent très vite conscience de l'effet anxiolytique de l'alcool et peu à peu ne recherche plus que cet effet sans apprécier de boire un verre pour la convivialité ou le goût du vin.
L'alcool devient alors l'alcool médicament et est utilisé dans tous les cas où il y a un problème difficile à résoudre. Peu à peu il sera utilisé aussi dans les moments de grande joie, ce qui montre déjà la difficulté de certains à gérer leurs émotions .
La dépendance débute déjà.
 L'alcool devient vite le remède universel. Dans le même temps, le comportement de la personne  commence à dévier toujours davantage du modèle social habituel.

Le futur malade alcoolique commence à être sujet à des amnésies de plus en plus fréquentes, notamment à ne pas se souvenir de ce qu'il a fait ou dit la veille.
C'est aussi le moment où, plus ou moins consciemment, il se rend compte qu'il n'a pas une consommation normale et il commence à se cacher pour boire. Il consomme aussi de l'alcool de plus en plus en solitaire
Ses pensées sont largement occupées par l'alcool, où en trouver, quand, comment le cacher, comment trouver un prétexte pour boire.

Le besoin d'alcool s'intensifie de jour en jour, les flashs sont de plus en plus fréquents.
Il lui faut de plus en plus souvent trouver très vite à boire sinon il commence à ressentir un profond malaise qui s'apparente déjà aux symptômes de sevrage.
Il a toujours peur de manquer d'alcool et fait des réserves cachées.

C'est aussi le moment où il commence à culpabiliser de boire autant et de ne pas pouvoir s'arrêter. Il évite toute discussion autour de l'alcool, parle très vite d'autre chose, ne regarde surtout pas les émissions télévisées sur l'alcool, il est déjà dans un déni assez fort, mais au fond de lui, il sait aussi qu'il a un gros problème avec l'alcool.

On arrive assez vite à un passage critique de cette maladie

A ce moment-là le malade alcoolique qu'il est devenu, perd tout contrôle sur sa consommation, quand il commence à prendre un verre, il ne peut plus s'arrêter. La notion de satiété a complètement disparue, il a obtenu peu à peu une grande tolérance à l'alcool.
Devant les réactions de l'entourage qui commence à s'inquiéter devant cette consommation en hausse, le malade alcoolique trouve de bonnes justifications au fait qu'il ait bu, il a toujours une bonne raison d'avoir consommé à l'excès.
Il passe son temps à chercher des alibis pour boire
Devant les réactions négatives de l'entourage, il se cache de plus en plus pour boire.
Il cherche à se convaincre et à convaincre les autres qu'il va bien, que l'alcool est juste un petit passage dans sa vie mais qu'il peut très bien s'en passer.
Devant les doutes de l'entourage et la perte de l'estime de soi qui lui tombe dessus, c'est le moment ou le malade alcoolique devient agressif et paranoïaque…Tout le monde lui en veut, ce n'est pas étonnant qu'il boive…Il peut même devenir violent en parole mais aussi physiquement.
En même temps sa culpabilité augmente et le pousse souvent à essayer de s'arrêter de boire pour prouver qu'il peut y arriver….Il tient deux jours , trois jours, une semaine et les problèmes de sevrages commencent aussi à arriver , ce qui fait que n'étant pas aidé et n'ayant pas vraiment choisi de ne plus boire, il retombe vite dans l'alcool, au stade où il en était quand il a arrêté….
Quand on arrête l'alcool et que l'on y revient, même des mois après, on ne retrouve jamais la lune de miel avec l'alcool du début, non, on repart au stade où on en était quand on a arrêté.
Quand il arrive à tenir une semaine sans boire, il estime qu'il n'a pas de problème avec l'alcool et, rassuré, il reprend le verre de plus belle…
Les remords qu'il peut avoir sont autant de raisons pour consommer à nouveau.
Il consomme aussi différemment, il boit très vite pour obtenir l'effet maximum en peu de temps, il se cache de plus en plus souvent pour boire, il abandonne ses amis pour passer son temps avec d'autres "amis" alcooliques, ils font la tournée des bars ou les apéritifs chez les uns ou les autres s'enchaînent.
 Sur le lieu du travail, l'absentéisme augmente, il est souvent incapable d'aller travailler ayant trop bu la veille… Parfois, il commence aussi à boire au boulot….
En fait, il remplace les contacts sociaux par l'alcool ou ces contacts sociaux ne peuvent passer que par ce produit.
L'alcool devient la priorité absolue sur tout le reste, même sur les proches.
La vie familiale s'en ressent fortement et les séparations sont fréquentes. Le climat familial devient détestable.
Il commence à boire de plus en plus, même dés le matin.
C'est là aussi que les problèmes médicaux arrivent , il est parfois obligé de se soigner mais ne parlera jamais de son alcoolisme à son médecin.
Survient alors ce qu'on peut appeler la phase chronique
Là, l'alcool est devenu la vie de cette personne, il est parfois ivre quasiment tous les jours, il ne vit plus dans la réalité mais rêve sa vie…Son système de valeur ne tourne plus qu'autour du prix de l'alcool, son raisonnement se dégrade très vite et devient une sorte de délire incompréhensible.
Manquant d'alcool, il peut boire n'importe quoi qui en contient, eau de Cologne, alcool à 90 etc…
Le matin, après une nuit sans alcool, il présente des phénomènes de sevrage: tremblements,  malaises généralisés, craving énorme. IL lui faut très vite de l'alcool pour réussir à tenir debout.
Les séquelles physiques deviennent de plus en plus graves et nécessitent souvent une hospitalisation, son alcoolisme commence à être connu des médecins mais tant qu'il n'est pas décidé à se soigner, ceux-ci ne peuvent pas faire grand-chose.
Sa tolérance à l'alcool qui avait été augmentée lors des phases précédentes, diminue maintenant de façon rapide….Il est très vite malade après avoir bu un ou deux verres, il a souvent une hépatite alcoolique, une stéatose ou une cirrhose…..
Le système neurologique peut aussi être gravement atteint sans que l'on puisse parfois y faire grand-chose.
C'es aussi à ce moment là qu'apparaissent les idées suicidaires suivies ou non de passage à l'acte…
Il y a urgence à se soigner mais encore faut-il réussir à en persuader le malade alcoolique.