Un texte de notre ami Yves Mouchet

RENAISSANCE :
 
 
Après une dépendance à l'alcool , il n'est pas si facile de renaître
Car il ne suffit pas comme une fleur de mettre le nez à la fenêtre.
Il faut avant toute chose faire le deuil d'un produit si miraculeux,
Savoir enfin dire non le répéter en étant à tout jamais méticuleux.
Rabâcher sans relâche les techniques de refus face au premier verre
Pour contrer les faux amis qui risqueraient de nous prendre à revers.
Quitter son addiction ne nous envoie pas dans un monde meilleur,
Il faut faire face à la réalité , au passé avec ses ardoises d'ailleurs ;
Qu'elles soient financières, judiciaires ou tout simplement morales.
Le spleen voudrait prendre la baguette pour conduire la chorale
Te faire redescendre quand tu commences à regagner confiance
Et toutes les tentations t'obligent à lutter pas à pas avec méfiance.
 
Puis le chemin de l'abstinence n'est pas linéaire mais chaotique
Fait de hauts et de bas t'obligeant pour survivre à être égotique.
Tant que tu restes dans le combat des premiers jours, voire mois,
Chaque heure gagnée chaque victoire te remplit d'aise et d'émoi,
Et ton amour propre grandit à mesure que ta résistance se fortifie.
Tu peux déjà te regarder dans le miroir dans lequel tu t'identifies.
Ta personnalité refait surface tu te sens un peu mieux, plus solide,
Car toutes les envies que tu as su vaincre à mesure te consolident.
L'abstinence que tu prenais pour un but se transforme en itinéraire.
Tu forces moins pour y avancer, ta foulée y devient souple, légère,
Alors le voyage heureux vers l'avenir te procure bien des plaisirs,
Si,sans honte, avec humilité et honnêteté tu veux bien te ressaisir.
 
Pour autant après cette reconstruction la prudence reste de mise,
Notre fragilité face à l'alcool la vulnérabilité nous sont promises.
C'est pourquoi il faut en cultiver le souvenir et ne jamais oublier.
Cinq, dix, vingt, trente ans après, l'alcool peut remettre le tablier.
Alors pour mieux renaître il faut bien crier comme un nouveau-né,
Fier, assumer et revendiquer son passé pour être moins importuné.
Crever les abcès, ne plus taire les choses, jouer carte sur table
Ne plus s'embarrasser de faux semblant, à la fin c'est rentable.
En parler, témoigner, militer, sont des passeports pour bien vivre.
Donner et mieux recevoir afin de ne plus jamais avoir à survivre :
Telle est devenue ma philosophie depuis vingt trois ans de guérison.
Aujourd'hui je me sais libre et heureux loin de mon ancienne prison.
 
-La Mouche, mars 2015-

Et oui l'abstinence est un itinéraire et non un but...et plus encore, c'est le moyen de transport qui va nous permettre de suivre cet itinéraire avec de parvenir au but. Et plus ce moyen de transport est confortable , plus l'itinéraire est agréable , joyeux, réconfortant, pour ce but merveilleux qu'est LA VIE; car être dans l'alcool ce n'est pas vivre, ce n'est pas forcément mourir, mais c'est à coup sûr souffrir...
Très beau poème qui met  bien en garde contre la réalcoolisation, ce que nous appelons " la peur du premier verre "... N'est ce pas le secret, bien révélé, afin de poursuivre au mieux son abstinence dans la joie et la sérénité ?

c'est aussi la peur du premier verre qui me tient dans l'abstinence, ne jamais perdre tout ce que j'ai construis autour de moi, ne plus jamais devoir me justifier ou voir dans le regard des autres tellement d'émotions négatives   Non, ce premier verre ne vaut pas un tel sacrifice  
Merci pour ce beau texte Shale