Témoignage de Ann ONeam

Bonjour à tous! 

D'ici quelques jours j'arriverai à 6 mois d'abstinence totale. Le temps pour moi de faire un premier bilan et d'en profiter pour vous donner des nouvelles après une longue absence sur ce forum.

Mon tout premier postulat est que je n'aurais jamais réussi à atteindre cette étape sans vous tous ici et votre aide si précieuse. Je vous adresse donc mon éternelle gratitude pour toute la bienveillance, l'humour, la gentillesse, l'intelligence que j'ai pu trouvé sur mon chemin au fil du temps quelles que furent les situations traversées.
Merci, merci, merci!!  

Sur le bilan, les 3 premiers mois furent les plus difficiles, les tous premiers temps d'abord avec le manque physique, l'adaptation à de nouvelles règles, parfois contraignantes, pour réussir. Les étapes cruciales (Noël, Jour de l'An par ex.) aussi qui ont entraîné tant de questions et de mal-être, de remises en question, de fragilité.
Cependant, je ne peux que reconnaître qu'avec les jours passants les choses devenaient plus faciles. Mon anxiété permanente, à tous propos, a disparu petit à petit pour laisser place à une manière d'appréhender le quotidien nettement plus détendue et surtout lucide! Les plans sur la comète imaginant systématiquement le pire pour le futur se sont éteints d'eux-mêmes laissant place à un quotidien plus serein.
C'est à partir du 4e mois qu'un changement beaucoup plus subtil mais profond, s'est fait sentir. Comme il y eut un déclic à choisir l'abstinence, il y eut un déclic (même si je ne m'en suis rendue compte qu'après) à partir de ce 4e mois, une bascule vers un état pérenne. Je n'étais plus dans la lutte mais dans la conscience même d'être abstinente. Alors bien sûr, avec quelques hauts et bas, comme ce questionnement lancinant et angoissant lors de mon anniversaire (encore une étape du cadran) sur cette idée que plus jamais je ne pourrai célébrer quelque chose avec du vin. C'était le temps d'apprendre à accepter. Il s'est passé 1,5 mois depuis et les choses ont déjà grandement évolué. C'est aujourd'hui comme un fait presque acquis, quelque chose de naturel que de ne pas fêter quoi que ce soit avec de l'alcool. Je n'en suis cependant pas encore à m'en foutre, les pensées sont encore là. Désormais avec l'été qui s'en vient, une nouvelle étape se profile, celle des chaudes soirées arrosées, au bar, ou avec des amis et de nouvelles stratégies à trouver (dans un premier temps en tous cas) pour passer une bonne soirée sans regretter et sans envie, à reluquer le verre de pinard du voisin de table.... Je sais qu'il faudra en passer par là, à nouveau.
À la différence des débuts, je me sens beaucoup plus solide pour annoncer clairement que je ne bois pas. J'ai nettement moins d'appréhension face au regard, aux réactions des autres, et je ne me sens plus "obligée" de devoir me justifier. Ce qui, évidemment, facilite les choses et montre aussi une récupération (très lente mais certaine) de ma confiance en moi. [Edit : Et une disparition du sentiment permanent de culpabilité!!]

Pour résumer plus précisément les points positifs, mais aussi négatifs, de ce bilan de 6 mois, je dirais que j'ai retrouvé une sérénité au quotidien, la vie est plus simple, plus facile, plus reposée. Je récupère aussi petit à petit des capacités intellectuelles que j'avais perdu comme une lucidité et une finesse d'analyse sur les événements, qu'ils me concernent personnellement ou de manière plus générale. J'ai également retrouvé une énergie physique que je n'avais plus du tout, je fais plein de choses, je suis très active en comparaison d'il y a quelques mois et cela construit donc mon environnement, ça le clarifie, le nettoie, permet petit à petit de me débarrasser de choses lourdes qui traînent encore et polluent ma vie. Je pourrais dire que c'est une manière de me réapproprier, très lentement mais sûrement, ma vie d'une part, mais aussi et surtout ce que je suis réellement (l'enfant intérieur sans doute).
Tout ça ce sont les points positifs, j'en ai probablement oublié mais disons que c'est le plus important.

Il y a malgré tout des points négatifs et je mentirais si je disais qu'ils ne pèsent rien. Ils pèsent au contraire très lourds et sont des obstacles pénibles à mon épanouissement.
D'abord j'ai pris beaucoup de poids et un fichu coup de vieux. Cet état de fait me paraît très injuste et cela en rend encore plus compliquée l'acceptation. Sur le poids j'ai l'espoir que cela puisse s'arranger. Je m'attendais à perdre des kilos en vitesse, j'en ai pris plein, sans doute parce que j'ai compensé avec le sucre, le gras, bref le principe de récompense à la place de l'alcool et j'ai encore aujourd'hui du mal à réduire/modifier ces comportements même si je fais des efforts. J'ai cependant espoir d'y arriver avec le temps et donc de rééquilibrer les choses. Pour le coup de vieux, malgré l'énergie retrouvée, j'ai mal partout et surtout je constate que mon visage, mon corps ont changé. C'est assez brutal et très désagréable. J'étais plutôt une belle femme et j'ai la sensation de devenir un vieux tromblon moche. Pas terrible pour l'estime de soi... Je reste convaincue (même si lorsque j'ai posé la question à l'addicto, elle m'a dit que non) que l'arrêt de l'alcool a joué sur les hormones et que je viens de me taper en 6 mois les effets de la ménopause qui auraient du s'installer tranquillement ces 10 dernières années. Voilà pourquoi c'est brutal.
Autre point négatif la sensation d'être beaucoup moins créative. Artiste dans l'âme j'ai toujours beaucoup créé dans des états de stress, de tristesse, intenses, c'était un peu mon moteur. Et maintenant je suis nettement moins sujette à ces angoisses existentielles, résultat je ne créé plus, je n'écris plus, je n'ai plus vraiment d'inspiration. Un peu comme si toutes les douleurs du monde me passaient au-dessus de la tête, un peu comme si je m'en foutais de l'avancée de la vie. Et ça, ça me dérange profondément même si mes capacités d'analyse sont meilleures. En fait le mental a pris le pas sur l'émotionnel, ça ne me ressemble pas. Je ne pense pas pouvoir tenir longtemps sans cette propension à exprimer des émotions à l'extrême. J'espère que je trouverais une solution.
Enfin dernier point négatif, je me suis terriblement isolée. À force d'éviter continuellement les situations de vie sociale parce qu'elles me mettaient en danger, j'ai fini par m'habituer à ça. N'étant pas d'une grande philanthropie, plutôt d'une nature sauvage, autant vous dire que ça ne s'est pas arrangé. Ça ne me dérange pas vraiment de ne voir personne (en dehors de ma famille) pendant plusieurs jours, je suis bien, seule. Mais je sais que ce n'est pas sain et puis parfois j'en souffre quand même, pas souvent mais bon. Donc là encore il me faudra trouver une solution d'équilibre entre mon besoin de solitude et de paix, et la nécessité de partager avec les autres.

En conclusion, l'ensemble est plutôt positif, j'ai gagné de la solidité face à la vie avec malgré tout la perte d'une partie de moi-même que je refuse de laisser filer parce que je l'aime, mon côté créatif, hypersensible, inspiré auquel je ne laisse plus trop de place. Je l'ai utilisé plusieurs fois dans les paragraphes précédents, je crois que la clé c'est "l'équilibre" et ça je ne l'ai pas encore retrouvé complètement, ça viendra, j'imagine, avec le temps.

Voilà, j'espère que ce bilan pourra être utile à ceux qui le liront, en particulier ceux qui débutent leur abstinence ou qui voudraient s'y lancer.
J'espère aussi que cela donnera lieu à une discussion, avec ou sans moi, le but étant d'échanger et d'aider.

Et encore une fois, un immense MERCI à ce forum sans lequel rien de tout ça n'aurait été possible. Vous êtes des perles rares!