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Michel Kairo – Intervenant en alcoologie

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Michel Kairo – Intervenant en alcoologie    Empty Michel Kairo – Intervenant en alcoologie

Message  SHALE 4/12/2022, 09:02

Se réapproprier le vide et l'espace créés par l'arrêt du produit
 
Michel Kairo – Intervenant en alcoologie
 
 
 
Si nous prenons l’alcool en exemple, qui dans notre culture judéo-chrétienne est considéré comme un produit rassembleur et de partage, notre éducation à la consommation de ce produit ne nous autorise pas en effet à le consommer seul. Hors lorsque nous parlons de maladie alcoolique, il concerne les sujets qui vont utiliser les propriétés anxiolytiques de ce produit afin d’atténuer les tensions et ses souffrances personnelles. Notre malade sort alors le produit de son contexte social pour se le réapproprier comme un médicament afin d’atténuer ou de soulager ses maux.
A partir de cet instant, c’est son seul mal être qui va rythmer ses alcoolisations. Mais notre corps a cette faculté à métaboliser la molécule psycho-active de l’alcool. On parle d’accoutumance qui va contraindre le patient à augmenter ses doses, voire ses prises d’alcool, non pas pour aller chercher l’ébriété mais pour maintenir l’effet anxiolytique de ce dernier. Ainsi petit à petit la relation au produit se fait de plus en plus grande.
Sur un schéma, j’essaie de matérialiser ce mouvement en dessinant une journée de 24 heures divisée en trois parties de 8 heures situant les 2  repas, moment de convivialité où l’alcool peut être présent. Entre les deux, le moment de temps libre que va altérer en premier la pathologie.
Dans un 2ème temps, je situe les périodes d’abstinence dites normales, le travail et le sommeil, 2 fois 8 heures , je ne connais pas de malade alcoolique qui n’a pas trouvé le moyen de s’alcooliser pendant son temps de travail).
Quand l’alcool s’impose pendant les repas, le temps libre, la période de travail, la dernière partie des 24 heures que représente le sommeil, devient alors le pire ennemi de notre malade parce que lorsqu’il dort, il se met en état de sevrage, donc de manque.
Face à cette problématique, les stratégies de notre patient sont :
-         soit d’écourter son sommeil quitte à faire des siestes l’après midi afin d’atténuer sa souffrance physique ou à se lever pour s’alcooliser, et souvent
-         de se coucher avec de l’eau pour éviter les mécanismes de déshydratation.
Dans tous les cas, la dépendance physique qui est une conséquence de la suralcoolisation accentue la déstructuration sociale du malade alcoolique.
Ce schéma a pour but de montrer au patient la progression des alcoolisations dans la vie du malade alcoolique.
Ensuite par un autre schéma, je les projette dans l’organisation sociale et familiale  sur une semaine.
Tous les jours y sont représentés et en fonction de notre culture. Je remplis chacun d’entre eux par des activités qui sont motivées par nos contraintes et nos plaisirs.
Ainsi je pose le temps du travail 5 jours par semaine, les liens familiaux davantage le dimanche, les amis le samedi, les enfants pour la journée du mercredi, le temps du sport deux fois par semaine, les hobbies, les passions : jardinage, bricolage, collections… Le temps de la culture : cinéma, théâtre, lecture… Les obligations : le courrier, les factures, les démarches …. La sexualité … etc…
Et dans cette organisation sociale, j’introduis un produit et ses mécanismes de dépendance démontrant que le produit prend au fil du temps de plus en plus de place dans la vie du sujet, et que le temps dans nos normes sociales n’est pas quelque chose d’extensible.
Si le produit prend de plus en plus d’espace, c’est forcément au détriment du reste.
Sans oublier d’y ajouter toutes les stratégies pensées et mises en place par le malade pour s’alcooliser sans s’exposer au regard accusateur de l’autre, comme boire en cachette ou encore celui de créer de la convivialité pour justifier son boire.
Par ces schémas, j’essaie  de mettre en évidence le processus de pertes jusqu’au moment où le produit prend toute la place.
 
Ainsi plus l’alcool prend de place dans  la vie de l’alcoolique, plus ses repères sociaux et affectifs vont être altérés voir perdus.
C’est à la sortie de sa prise en charge hospitalière que le malade alcoolique va prendre conscience de la place réelle qu’occupait le produit dans sa vie et du vide qu’il a créé autour de lui.
Le temps s’embouteille et la dépendance devient alors un travail à temps plein.
Les rites familiaux et sociaux de chaque journée et de l’année ne se comptent plus, et l’alternance du jour et de la nuit ne structure plus le temps.
C’est la consommation d’alcool et le manque d’alcool qui  donnent le tempo.
Exemple : notre malade ne dit plus il est 8h, mais : c’est l’heure du blanc.
Il ne dit plus qu’il est midi, il dit que c’est l’heure du Ricard.
Il peut dire également je fais la journée avec une bouteille ou encore une bouteille me fait deux jours.
Ainsi la bouteille devient la mesure du temps !  Mais est-elle à moitié pleine ou à moitié vide ?
Les deux bien sûr et les deux sont un moteur pour boire car dans la dépendance, ce sont à la fois la présence d’alcool et son absence qui crée le besoin.
L’espace et le temps sont alors définis par l’absence du produit.
Le vécu de ce sentiment particulier d’être inscrit dans le temps, peut même ne plus exister chez certains malades comme les déments, qui sont en même temps perdus dans le temps et dans l’espace.
 
Chez l’alcoolique à partir d’un certain moment de l’évolution de sa maladie, le temps n’est plus le même que le notre. Le buveur sort de notre temps, sort du temps pour entrer dans un autre système où les évènements, les dates sont les uns après les autres estompés, effacés puis remplacés par un acte celui de boire, et se renouveler à intervalle de plus en plus rapprochés et réguliers. Cet acte de boire est devenu progressivement le seul véritable repère de son temps.
Si cet espace crée par le produit permet au patient d’oublier son passé de sortir de sa réalité, il lui empêche également de se projeter dans l’avenir.
Dès cet instant, nous pouvons dire que le patient que nous accueillons est confronté au vide crée par les pertes sociales et affectives liées à sa dépendance, et qu’il est aussi rempli d’une substance qui impose son propre rythme et ses propres repères.
En lui proposant l’abstinence, nous le faisons redescendre dans sa réalité avec un état de conscience où il ne peut contempler que les conséquences et du vide que cela représente, mais l’abstinence va également accentuer cette notion de vide car le produit est la dernière chose qui le contient et le remplit.
Le vide laissé par le produit lui-même est ressenti comme impossible à surmonter par le patient.
L’abstinence n’est pas un contrat qui se signe entre deux parties, mais un choix , qui s’expérimente par le patient, et qui peut durer en fonction de ce qu’elle lui apporte.
Par contre pour une personne addictée, faire le choix de rester dans le produit, c’est un choix de non vie, pas dans le sens médical du terme, mais  plus dans un sens philosophique car c’est faire le choix de vivre pour le produit au détriment de tout le reste.
Mais, si ce patient fait un choix de vie, il n’y a plus de place pour le produit. Faut-il encore qu’il sache ce qu’il va mettre dans cette vie, ce qu’il va faire de cette abstinence.
Au départ le lien avec l'alcool est une relation de plaisir. Or  seule la notion de plaisir va pouvoir faire perdurer le choix de l’abstinence.
Ainsi j’invite les patients à fouiller leur mémoire sur des plaisirs qu’ils ont connus puis perdus souvent à cause de l'alcool , de réveiller leurs fantasmes représentant leurs envies, les désirs non accomplis.
Il faut que l’arrêt du produit apporte aux patients des contreparties, des satisfactions.
Lorsqu’un malade arrête l’alcool, il va forcément mieux mais cela ne veut pas dire qu’il ira forcément toujours bien.
L’expérience qu’il a vécue avec le produit ne s’effacera pas de sa mémoire et lorsqu’il se trouvera en difficulté face aux évènements de sa vie, bien des fois l’idée de reconsommer réapparaîtra. Car au départ de son abstinence, l’alcool restera la réponse la plus facile pour atténuer sa souffrance dans un moment donné.
Dans cette épreuve ce qui va lui éviter la rechute, ce sont les bénéfices, les contres parties que lui apporteront son abstinence.
C’est pourquoi il est important de les matérialiser le plus vite possible.
Ainsi  je leur propose de faire des projets à long terme, à moyen terme plus difficile à court terme (comment je vais me faire plaisir au quotidien ?.
Je leur propose comme outil un agenda afin d’organiser avec méthodologie l’accomplissement de leur projet, qu’il se projette bien entendu dans la reconstruction ou la reconsolidation de leurs repères sociaux mais surtout de ne pas oublier ses repères de plaisirs.
Certains me diront que je remplie des malades avec une hyperactivité, je l’assume tout en précisant que je ne leur demande pas d’être dans cette dynamique qui peut paraître certes épuisante toute leur vie, mais je pense qu’au départ d’une abstinence, c’est une étape nécessaire ne serait-ce que pour mettre le produit à distance.
SHALE
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Féminin 01/01/2009

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