Un fils d'un malade alcoolique

Je suis le fils d’un malade alcoolique: mon père. Il a grandi dans une famille où l’alcool était très présent. Ma grand mère maternelle disait : “Un homme qui ne boit pas n’est pas un homme ! ”. La mort d’un très proche et un travail où l’on boit beaucoup finissent de le jeter dans le tourbillon de l’alcoolisme.

Pour moi, cela a commencé vers mes cinq ans. Il ne supportait rien, aucun bruit. Même pas ceux de ses enfants qui jouent et encore moins le verre d’eau qui se renverse. Qu’elle soit verbale ou physique la violence de sa réaction injuste punissait le moindre cri, le moindre bruit. J’ai appris très jeune à jouer silencieusement, à m’effacer, à devenir invisible.

L’âge aidant, je me rebelle, je réponds. Ca le rend fou, je mets en doute son autorité. Sa colère explose et l’intensité des punitions décuple : hurlement, dénigrement, fessées, privations. Chaque rébellion est sanctionnée plus sévèrement. La punition à l’existence et à la rébellion est une forme de mort mentale :  un anéantissement de l’être.

Ma mère me protège, l’arrête, me console. Mais le mal est fait. Elle fera de son mieux pour nous protéger, pour composer avec ce malade alcoolique. Elle réussira à l’envoyer en cure plusieurs fois ce qui nous donnera du répit mais pas de solution. Ils finiront par divorcer, je vais avoir 15 ans.

Un cauchemar se termine mais un autre tunnel commence  : celui de la responsabilité.

Il continue à boire mais son corps le lâche. C’est le début des séjours à l’hôpital. Après m’avoir terrorisé, je dois m’occuper de lui. Les samedis après midi aux urgences, lui ramener ses affaires propres,  mettre des pièces pour la télé, appeler le matin pour avoir des nouvelles, écouter le médecin me faire la morale, lui dire d’arrêter encore et encore.

Le temps passe et ça continue : je vais le voir en sortant de la fac, j’explique à ma petite amie, je le dépose aux urgences avant de sortir avec mes amis. Je bricole une excuse vague, une blague et les gens changent de sujet. Je fais ça tout le temps, c’est une seconde nature.

Mais tout ça devait finir, on le savait tous mais moi je voulais croire qu’en continuant à l’aider il s’en sortirait…. Il semblait vraiment mal, je l’ai appelé. Il n’a pas répondu, ça lui arrivait souvent. Je suis aller chez lui, il n’a jamais répondu. C’est un pompier, passé par la fenêtre, qui m’a ouvert la porte.

Même mort, il me donne encore des responsabilités. Un petit frère adolescent, une sœur à la fac, solder ses comptes, l’enterrement, nettoyer son appartement seul, jeter ses bouteilles. Il est mort et je protège son secret. Je porte encore son fardeau.
La suite ? Les crises d’angoisses, les problèmes de santé, les arrêts maladie et enfin la dépression nerveuse. Après plus de quatre ans de thérapie, je vois le bout du tunnel. J’ai des idées, des envies. Je veux construire, je veux aider. Je veux vivre !

Ce que tu as vécu est vraiment très difficile et ce n'est pas simple de remonter la pente!!! Pourtant je crois sentir que la joie de vivre émerge un peu de tout ça??? En tout cas je l'espère, car tu as toute ta vie à construire, même si le début de cette vie n'a pas été terrible, la suite peut être bien plus belle et elle le sera parce que tu feras ce qu'il faut pour ça....
Quand le fardeau est trop lourd, viens écrire ici, de poser ses bagages, ça fait du bien et tu repars plus léger....

Merci SHALE.

Aujourd'hui, c'est l'envie de reconstruire et d'avancer qui domine chez moi.

Au cours de ma thérapie, j'ai pu me rendre compte à quel point l'entourage des malades alcooliques est enfermé dans le silence et à quel point il est difficile de sortir du monde que peut avoir créé le malade.

Mon témoignage a pour but de casser un peu ce silence et surtout d'aider l'entourage du malade a prendre conscience de la réalité de ce qui leur arrivent : angoisse, manque de confiance, violence...

J'aimerai aider les enfants de malade alcoolique à comprendre ce qu'ils traversent et les aider à s'en sortir. J'ai plusieurs idées à ce sujet et je ne manquerai pas de les partager avec vous.

Bon courage à tous !

Bienvenue parmi nous Julienk

Merci de partager avec nous tes idées , car il est vrai qu'il y un "silence" autour , et surtout un manque d'information. Ici sur ce forum il y a beaucouip d'échange , et c'est tous ensemble que nous avançons .

Il faut garder à l'esprit que nous faisons aussi un "travail" pour nous ,et tout doucement on arrive à nouveau à danser la vie , tu sembles prêt à tourner une page . Bravo !!!

Merci Julien pour ce témoignage poignant!
Ah toi le petit enfant qui est devenu adulte presque trop vite....
On ne se rend pas tjs compte des dégâts que l'alcoolisme d'une personne peuvent avoir sur l'entourage proche, très proche.
Je suis heureuse que tu arrives enfin à te reconstruire et à vivre!!
Continue sur cette voie!

Amicalement
Isabelle

Merci pour vos réponses et vos encouragements.

Je te souhaite la bienvenue Julien. Je vais repasser pour te répondre plus longuement d'ici quelques jours, mais sache que tu as bien fait de nous rejoindre. J'ai vécu avec un homme alcoolique et j'ai aussi un frère qui l'est. Pour l'entourage, ce n'est jamais facile.

Dans ces familles, la situation des enfants est encore plus dramatique. Ces enfants, prématurément mûrs, s’assument précocement et assument aussi la responsabilité de la situation. Souvent, ils pensent qu’ils ont déclenché la consommation par leur comportement, « trop bruyant », ou parce que « quand je suis née ma mère a arrêté de travailler, elle s’est embêtée et a commencé à boire. J’ai toujours pensé que c’était de ma faute ». Tout comme les adultes codépendants, ils sont également persuadés de pouvoir sauver le malade dépendant, grâce à leurs efforts. Bien souvent, la première question que les personnes codépendantes posent quand elles accompagnent leur proche en centre de traitement est : « dites-moi comment est-ce que je peux faire pour l’aider ? » Ce n’est que rarement qu’elles demandent de l’aide pour elles-mêmes. Pourtant, elles sont souvent à bout, leurs limites sont atteintes.

Si les personnes codépendantes arrivent à surmonter leur réticences elles peuvent profiter du contact avec d’autres personnes qui sont dans une situation similaire (« je suis étonné de voir que d’autres personnes ont le même problème que moi, qu’on est confronté aux mêmes difficultés, qu’on a tous fait pareil, et moi qui croyais être tout seul à vivre ça… C’est incroyable, c’est comme se voir dans un miroir. Je me sens soulagé de ne pas être le seul à vivre ça, c’est peut-être égoïste de penser comme ça, mais c’est la vérité »). Ces personnes expérimentent un grand soulagement de pouvoir enfin partager le secret de leur souffrance, si soigneusement cachée pendant longtemps. Un processus d’identification avec des semblables leur permet souvent, pour la première fois après des années, de s’ouvrir, ne plus cacher ni tricher, s’écouter, devenir honnêtes, s’assumer au lieu de toujours assumer les autres, et découvrir que souvent, dans d’autres domaines de leur vie, elles manifestent aussi des signes de dépendance relationelle (avec d’autres membres de leur famille, au travail, en société, etc.). Il apparaît alors souvent que leur problématique est antérieure à leur relation avec leur conjoint.

La place d'un enfant dans une famille où un des membres est un alcoolique grave est toujours problématique, l'enfant ressent un mélange de honte, de culpabilité et de haine face à celui qui boit. Il ne peut pas en parler car souvent le silence règne autour de ce qui se passe dans la famille!Personne ne montre un grand intérêt pour ces enfants qui font tout pour se montrer conformes à ce qu'on attend d'eux.Ils doivent passer leur temps à tout contrôler pour éviter le pire, ce sont en apparence des enfants trop responsables mais cette mince couche de maturité cache un vide immense créé par des besoins non comblés....une enfance volée....
En tout cas n'hésite pas à venir nous en parler sur le forum, il y aura toujours quelqu'un pour te répondre rapidement...

Merci pour vos réponses et vos avis.

Dans mon cas, il m'a fallu 30 ans et 4 années de dépression avec thérapie pour comprendre le système que mon père avait mis en place. Pour moi, toutes ces choses étaient normales. Même si je ne comprenais pas pourquoi les autres enfants ne vivaient pas les mêmes choses. Je me suis toujours sentit en décalage.

J'ai passé ma vie a essayer de comprendre ce qu'il m'était arrivé, à comprendre ce que je vivais, pourquoi je n'arrivai pas à avoir la même vie que les autres.... Aujourd'hui, je comprends beaucoup mieux les mécaniques psychologique qui m'ont amené ici.

Mais il est très difficile de faire comprendre ce que l'entourage a pu vivre surtout pour les enfants. Même ma mère a du mal a comprendre ma dépression et mes symptômes (angoisse, manque de repère). Je vous passe le "Il faut que tu te reprennes, que t'avance..."

Aujourd'hui, je cherche à reconstruire ma vie et a avancer. Mais pour pouvoir tourner la page, il faut comprendre et accepter ce qu'il m'est arrivé.

Partager et échanger avec d'autres personnes qui ont vécu des choses similaires me permet d'y voir plus clair.

Merci encore

N'hésite pas à en parler , à poser toutes les questions qui te viennent à l'esprit, ce que tu as vécu, beaucoup d'enfants de malades alcooliques l'ont vécu.
Mais pour en revenir à ton père, je ne pense pas qu'il n'y avait que la maladie alcoolique pour le mettre dans un tel état de méchanceté, il devait avoir une autre pathologie mentale qui en rajoutait, car ce qu'il faisait est grave!!!!

tu as raison Shale. Pour moi, mon père n'avait pas eu une vie familiale simple, il trainait aussi un deuil non refermé et j'ajouterai une vie de couple compliquée.

C'était une situation compliquée pour lui.

Oui, sans doute, mais faire payer à ses enfants une situation de vie compliquée, c'est tout de même limite!!!
L'alcool n'excuse pas tout!!!

Ton histoire m'a touché. Ce que tu as vécu n'est pas banal. Mais tu as la force d'aller de l'avant, de vouloir construire et c'est important. Tu te retrouves et tu feras de ta vie ce que tu veux.

Comme tu le dis si bien, il te faut accepter ce qui est arrivé et j'espère que tu ne te sens pas responsable ou coupable. Tu ne pouvais pas sauver ton père. Lui seul pouvait s'en sortir. Tout ce que tu as fait pour lui, beaucoup de personnes de l'entourage le fait, tomber dans la codépendance. Les gens ne comprennent pas l'enfer dans laquelle on se retrouve à cause de la maladie de nos proches. En laissant ce fardeau derrière, tu ne peux qu'aller de l'avant plus léger.