lutte contre l’alcool
Pour ceux qui ne peuvent pas arrêter de boire...
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Pour ceux qui ne peuvent pas arrêter de boire...
Pathologies de la déresponsabilisation.
L'incapacité (de cesser toute consommation d'alcool) en somme, peut, paradoxalement, conférer une forme de toute-puissance.
"Les alcoolisations massives correspondent à une stratégie du moindre mal qui peut devenir politique du pire.
Dès lors que tout le potentiel créatif de ses forces pulsionnelles s'est investi dans un mode de fonctionnement invalidant et destructeur, l'intéressé se trouve entraîné dans une spirale morbide qui a sa logique propre et ne peut que difficilement être neutralisée.
Certains ne sauraient se dépouiller de leurs conduites de déresponsabilisation sans mettre gravement en péril ce qui leur sert de points de repère et d'identité.
Ils ne semblent pas à même de pouvoir renoncer aux "bénéfices" qu'ils tirent de leurs échecs et de leur dévalorisation.
La souffrance qu'ils éprouvent peut, par exemple, soulager un puissant sentiment de culpabilité qui œuvre efficacement à les empêcher "d'aller bien". Ils pourront même en venir à commettre des actes "mauvais" qui leur permettront de pouvoir enfin rattacher à quelque chose de réel, d'actuel, de justifié, le sentiment indicible qui les ronge.
Le sentiment de culpabilité trouve sa source dans un conflit auquel personne n'échappe : « celui de gérer en soi la colère, la rage, la haine destructrice envers ceux que par ailleurs nous aimons et dont nous avons besoin ».
Si ce sentiment parvient à submerger la capacité d'un individu de préserver en lui quelque chose de bon pour y enraciner l'estime de lui, alors la seule issue de survie psychique peut consister à refouler cette culpabilité. Tenter de la reconnaître, de l'intégrer et de lui trouver des modes d'expression heureux, s'avère malaisé.
L'alcoolisme offre de multiples illustrations d'un tel processus d'invalidation.
Tel patient, par exemple, se présentera alcoolisé aux premières consultations. Il confessera volontiers tout le mal qu'il a infligé aux siens et exhibera son humble repentir, comme s'il attendait en retour une absolution.
Il fera état des nombreuses démarches de soins qu'il a entreprises dans le passé et qui, immanquablement, se sont soldées par des échecs.
Pathétique, cherchant à attirer pitié et compréhension, il adressera éloges et compliments au thérapeute, en le distinguant bien des intervenants antérieurs qui, eux, n'ont pas su s'y prendre. Ces aveux, cet auto-abaissement et ces louanges constituent un défi inconscient, tout autant qu'un appel à l'aide.
Le soignant est déjà inscrit au tableau de chasse de ce pauvre bougre en déconfiture habitué à infliger des revers à ceux auxquels il demande de l'aide.
"Innocenté" par les échecs successifs des professionnels, l'intéressé porte son alcoolisme incurable comme un destin qui le rend unique.
Il trouve même une raison supplémentaire de boire dans le fait que, précisément, il endure un alcoolisme ravageur et incurable.
Son alcoolisation excessive permet de soulager tout autant que d'entretenir un mal-être qui lui est nécessaire pour continuer de vivre. Tout se passe en effet comme s'il ne pouvait continuer à exister qu'en se tuant à petit feu.
Il se cramponne donc à l'alcool pour survivre, et se venge des humiliations subies, en mettant en échec toute entreprise de sauvetage à son égard. D'abord il complimente les soignants, puis il jouit de leur déconvenue quand, après des débuts prometteurs sur la voie de l'abstinence, il "rechute". Quel plaisir, alors, de pouvoir susciter chez des spécialistes un sentiment d'impuissance !
Mais les dits spécialistes disposent de toutes sortes de défenses pour se démarquer d'un individu qu’ils jugeront décidément trop peu motivé pour pouvoir tirer profit de leur compétence...
L'intéressé se donne ainsi l'occasion de se sentir à la fois tout-puissant, rejeté, et justifié de reboire.
Il s'alcoolisera donc, jusqu'à ce qu'il trouve d'autres personnes avec qui poursuivre ce jeu de "qui perd gagne". Répéter ces conduites d'échec peut s'avérer moins angoissant pour lui que d'assumer des responsabilités auxquelles il n'est pas habitué.
D'autres patients mettent en avant une plainte qui se rapporte exclusivement à leur corps sans qu'aucune élaboration puisse se faire. Leur discours répétitif apparaît comme le reflet de leurs incessantes ruminations mentales. Ils tentent de se débarrasser par des moyens somatiques d'un mal-être interne qu'ils ne peuvent pas traiter à un niveau mental.
Au-delà des ravages organiques provoqués par leur alcoolisation excessive, le plus grave dommage semble être causé à leur vie psychique.
Ils semblent dépourvus de toute capacité d'acquérir une maîtrise symbolique sur leur vie. L'alcool paraît avoir court-circuité en eux toute possibilité de mentalisation.
Ils manifestent tout à la fois un déni caricatural de leur alcoolisme et une demande d'intervention médicale qui leur donnerait la possibilité de boire "sans problèmes", "comme tout le monde".
Outre ce déni de leur réalité et ce recours à une toute-puissance magique, ils laissent percevoir une angoisse indéfinissable qu'ils s'efforcent de refouler et qui s'exprime dans leur corps.
Leur aptitude à penser, à fantasmer, à imaginer, semble atrophiée, comme si elle était elle-même synonyme d'angoisse.
L'existence leur apparaît comme une histoire de chance et de malchance, comme un déclin à subir plutôt que comme un destin à accomplir.
Pour ces patients, plus que pour tout autre, l'alcoolisation a fait fonction de soupape de sécurité lorsque des affects indicibles exerçaient en eux une pression trop angoissante.
Une cure ne représente pour eux qu'une sorte d'armistice face à un adversaire devant lequel ils sont obligés temporairement de s'incliner.
Au fond d'eux-mêmes, ils n'ont pas renoncé à prouver qu'ils peuvent boire "normalement".
Leur recours aux soins médicaux leur permettra, pensent-ils, d'être plus à même, par la suite, d'affronter l'alcool. De fait, une fois passé le coup de semonce, ils ne voient guère de raison pour ne pas "essayer de boire de temps en temps".
Ils pourront même considérer leur capacité à reboire comme une preuve évidente de leur guérison.
Ils vont ainsi d'échec en échec, sans qu'aucun progrès puisse s'opérer dans leur vie.
Certains finissent par devenir invalides, à la charge de la société.
L'incapacité (de cesser toute consommation d'alcool) en somme, peut, paradoxalement, conférer une forme de toute-puissance.
"Les alcoolisations massives correspondent à une stratégie du moindre mal qui peut devenir politique du pire.
Dès lors que tout le potentiel créatif de ses forces pulsionnelles s'est investi dans un mode de fonctionnement invalidant et destructeur, l'intéressé se trouve entraîné dans une spirale morbide qui a sa logique propre et ne peut que difficilement être neutralisée.
Certains ne sauraient se dépouiller de leurs conduites de déresponsabilisation sans mettre gravement en péril ce qui leur sert de points de repère et d'identité.
Ils ne semblent pas à même de pouvoir renoncer aux "bénéfices" qu'ils tirent de leurs échecs et de leur dévalorisation.
La souffrance qu'ils éprouvent peut, par exemple, soulager un puissant sentiment de culpabilité qui œuvre efficacement à les empêcher "d'aller bien". Ils pourront même en venir à commettre des actes "mauvais" qui leur permettront de pouvoir enfin rattacher à quelque chose de réel, d'actuel, de justifié, le sentiment indicible qui les ronge.
Le sentiment de culpabilité trouve sa source dans un conflit auquel personne n'échappe : « celui de gérer en soi la colère, la rage, la haine destructrice envers ceux que par ailleurs nous aimons et dont nous avons besoin ».
Si ce sentiment parvient à submerger la capacité d'un individu de préserver en lui quelque chose de bon pour y enraciner l'estime de lui, alors la seule issue de survie psychique peut consister à refouler cette culpabilité. Tenter de la reconnaître, de l'intégrer et de lui trouver des modes d'expression heureux, s'avère malaisé.
L'alcoolisme offre de multiples illustrations d'un tel processus d'invalidation.
Tel patient, par exemple, se présentera alcoolisé aux premières consultations. Il confessera volontiers tout le mal qu'il a infligé aux siens et exhibera son humble repentir, comme s'il attendait en retour une absolution.
Il fera état des nombreuses démarches de soins qu'il a entreprises dans le passé et qui, immanquablement, se sont soldées par des échecs.
Pathétique, cherchant à attirer pitié et compréhension, il adressera éloges et compliments au thérapeute, en le distinguant bien des intervenants antérieurs qui, eux, n'ont pas su s'y prendre. Ces aveux, cet auto-abaissement et ces louanges constituent un défi inconscient, tout autant qu'un appel à l'aide.
Le soignant est déjà inscrit au tableau de chasse de ce pauvre bougre en déconfiture habitué à infliger des revers à ceux auxquels il demande de l'aide.
"Innocenté" par les échecs successifs des professionnels, l'intéressé porte son alcoolisme incurable comme un destin qui le rend unique.
Il trouve même une raison supplémentaire de boire dans le fait que, précisément, il endure un alcoolisme ravageur et incurable.
Son alcoolisation excessive permet de soulager tout autant que d'entretenir un mal-être qui lui est nécessaire pour continuer de vivre. Tout se passe en effet comme s'il ne pouvait continuer à exister qu'en se tuant à petit feu.
Il se cramponne donc à l'alcool pour survivre, et se venge des humiliations subies, en mettant en échec toute entreprise de sauvetage à son égard. D'abord il complimente les soignants, puis il jouit de leur déconvenue quand, après des débuts prometteurs sur la voie de l'abstinence, il "rechute". Quel plaisir, alors, de pouvoir susciter chez des spécialistes un sentiment d'impuissance !
Mais les dits spécialistes disposent de toutes sortes de défenses pour se démarquer d'un individu qu’ils jugeront décidément trop peu motivé pour pouvoir tirer profit de leur compétence...
L'intéressé se donne ainsi l'occasion de se sentir à la fois tout-puissant, rejeté, et justifié de reboire.
Il s'alcoolisera donc, jusqu'à ce qu'il trouve d'autres personnes avec qui poursuivre ce jeu de "qui perd gagne". Répéter ces conduites d'échec peut s'avérer moins angoissant pour lui que d'assumer des responsabilités auxquelles il n'est pas habitué.
D'autres patients mettent en avant une plainte qui se rapporte exclusivement à leur corps sans qu'aucune élaboration puisse se faire. Leur discours répétitif apparaît comme le reflet de leurs incessantes ruminations mentales. Ils tentent de se débarrasser par des moyens somatiques d'un mal-être interne qu'ils ne peuvent pas traiter à un niveau mental.
Au-delà des ravages organiques provoqués par leur alcoolisation excessive, le plus grave dommage semble être causé à leur vie psychique.
Ils semblent dépourvus de toute capacité d'acquérir une maîtrise symbolique sur leur vie. L'alcool paraît avoir court-circuité en eux toute possibilité de mentalisation.
Ils manifestent tout à la fois un déni caricatural de leur alcoolisme et une demande d'intervention médicale qui leur donnerait la possibilité de boire "sans problèmes", "comme tout le monde".
Outre ce déni de leur réalité et ce recours à une toute-puissance magique, ils laissent percevoir une angoisse indéfinissable qu'ils s'efforcent de refouler et qui s'exprime dans leur corps.
Leur aptitude à penser, à fantasmer, à imaginer, semble atrophiée, comme si elle était elle-même synonyme d'angoisse.
L'existence leur apparaît comme une histoire de chance et de malchance, comme un déclin à subir plutôt que comme un destin à accomplir.
Pour ces patients, plus que pour tout autre, l'alcoolisation a fait fonction de soupape de sécurité lorsque des affects indicibles exerçaient en eux une pression trop angoissante.
Une cure ne représente pour eux qu'une sorte d'armistice face à un adversaire devant lequel ils sont obligés temporairement de s'incliner.
Au fond d'eux-mêmes, ils n'ont pas renoncé à prouver qu'ils peuvent boire "normalement".
Leur recours aux soins médicaux leur permettra, pensent-ils, d'être plus à même, par la suite, d'affronter l'alcool. De fait, une fois passé le coup de semonce, ils ne voient guère de raison pour ne pas "essayer de boire de temps en temps".
Ils pourront même considérer leur capacité à reboire comme une preuve évidente de leur guérison.
Ils vont ainsi d'échec en échec, sans qu'aucun progrès puisse s'opérer dans leur vie.
Certains finissent par devenir invalides, à la charge de la société.
SHALE- Admin
- 01/01/2009
Re: Pour ceux qui ne peuvent pas arrêter de boire...
Wâh, c'est super bien expliqué, sans concession!
En lisant ça, je repense à des co-curistes, et aussi à des habitués du Mab, qui
en étaient à leur Xe rechute, et dont on avait l'impression qu'ils venaient pour
pouvoir recommencer de plus belle après.
Et qui affichaient sans arrêt leur "CV de personne qui se soigne mais ça marche
pas c'était pas la bonne cure c'était pas le bon alcoologue".
Les mêmes qui te prenaient en otage, bourrés en sortie de réunion, pour te
répéter leur CV en te disant "avec moi y'a rien qui marche, je suis un cas".
Que de mauvais souvenirs avec ceux là!
En lisant ça, je repense à des co-curistes, et aussi à des habitués du Mab, qui
en étaient à leur Xe rechute, et dont on avait l'impression qu'ils venaient pour
pouvoir recommencer de plus belle après.
Et qui affichaient sans arrêt leur "CV de personne qui se soigne mais ça marche
pas c'était pas la bonne cure c'était pas le bon alcoologue".
Les mêmes qui te prenaient en otage, bourrés en sortie de réunion, pour te
répéter leur CV en te disant "avec moi y'a rien qui marche, je suis un cas".
Que de mauvais souvenirs avec ceux là!
lolo6- Super Tchatcheur
- 24/06/2012
Re: Pour ceux qui ne peuvent pas arrêter de boire...
C'est exactement pour ces MA là que j'ai écrit cet édito....IL y en avait une dans le groupe Onsaide de Facebook, elle battait tous les records. Elle aurait poussé au suicide un forum entier en se faisant plaindre de ne pas y arriver alors qu'elle se faisait aider de tous les côtés et que rien ne marchait....Il ne fallait surtout pas que ça marche, dans sa tête, enfin je suppose...
SHALE- Admin
- 01/01/2009
Re: Pour ceux qui ne peuvent pas arrêter de boire...
Magistral Shale ! Vraiment magistral !
béatrisse1- Super Tchatcheur
- 04/01/2009
Re: Pour ceux qui ne peuvent pas arrêter de boire...
Lors de ma cure, un curiste comme tu le décris. Il avait plusieurs cures alignées. i
Il nous disait que cela ne fonctionnait pas pour lui, que rien n'était à la hauteur. La plupart du temps, il n'écoutait même pas lors des ateliers. Moi qui vivais cette expérience comme un voyage extraordinaire, je trouvais cela triste pour lui. Ils m'ont dit là bas, qu'il finirait peut être par avoir le déclic..
Oui ton texte est vraiment bon Shale !
Encore une fois, merci :-)
Il nous disait que cela ne fonctionnait pas pour lui, que rien n'était à la hauteur. La plupart du temps, il n'écoutait même pas lors des ateliers. Moi qui vivais cette expérience comme un voyage extraordinaire, je trouvais cela triste pour lui. Ils m'ont dit là bas, qu'il finirait peut être par avoir le déclic..
Oui ton texte est vraiment bon Shale !
Encore une fois, merci :-)
ppp- Super Tchatcheur
- 24/02/2019
Re: Pour ceux qui ne peuvent pas arrêter de boire...
waw, j'ai pris une claque. ça fait mal de le dire, mais je me rends compte que cette position perverse me correspond en grande partie.
Le "je n'y arrive pas, vous voyez bien" qui tend à attirer l'attention vers soi "regardez MOI, comprenez MOI, aidez MOI, etc....."
Avec ça, j'ai une grosse piste de réflexion avec ma psy demain
Le "je n'y arrive pas, vous voyez bien" qui tend à attirer l'attention vers soi "regardez MOI, comprenez MOI, aidez MOI, etc....."
Avec ça, j'ai une grosse piste de réflexion avec ma psy demain
eric D- Super Tchatcheur
- 04/08/2011
Re: Pour ceux qui ne peuvent pas arrêter de boire...
C'est bizarre, car en écrivant cet édito j'ai pensé à quelques personnes, par forcément ici, mais aussi dans le groupe facebook, tu en faisais partie....
SHALE- Admin
- 01/01/2009
Re: Pour ceux qui ne peuvent pas arrêter de boire...
heeuuuu je sais pas si je dois bien le prendre lol.SHALE a écrit:C'est bizarre, car en écrivant cet édito j'ai pensé à quelques personnes, par forcément ici, mais aussi dans le groupe facebook, tu en faisais partie....
eric D- Super Tchatcheur
- 04/08/2011
Re: Pour ceux qui ne peuvent pas arrêter de boire...
Il n'y a ni à bien le prendre ni à mal l'accepter, tu dis toi-même que tu t'y reconnais un peu. C'est une pathologie fréquente chez beaucoup de malades alcooliques, ce qui est dommage c'est que ça les freine énormément pour arriver à ne plus boire....
SHALE- Admin
- 01/01/2009
Re: Pour ceux qui ne peuvent pas arrêter de boire...
Tkt je ne le prends pas mal, je plaisantais . Je me connais aussi un peu aussi. Je vais y travailler avec ma psy demain.SHALE a écrit:Il n'y a ni à bien le prendre ni à mal l'accepter, tu dis toi-même que tu t'y reconnais un peu. C'est une pathologie fréquente chez beaucoup de malades alcooliques, ce qui est dommage c'est que ça les freine énormément pour arriver à ne plus boire....
eric D- Super Tchatcheur
- 04/08/2011
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