L'effet phenix

Je viens ici partager mon parcours de malade alcoolique, en guise de témoignage
J'ai commencé a boire, de manière festive, al l'age de 15 / 16 ans. On va dire normal, des bonnes grosses cuites avec les copains. Et , a cet age , j'étais en apparence quelqu'un de très sur de lui, j'étais très populaire, j'étais LE mec cool du lycée, mais je ne passais jamais un certain pas avec les demoiselles. Je le vivais assez mal, et 3 ans après (et oui a 18 ans), j'ai enfin réussi a embrasser une fille, merci substance alcoolisée!
S'en est suivi les études, laché dans la nature des cités étudiantes, je me saoulais tous les jeudis soirs, comme il se doit, mais par contre, moi, j'avais dans mes courses toujours une bouteille de whisky et une bouteille de Ricard, que je gardais bien entendu "au cas ou" quelqu'un passais me voir mais que je finissais par consommer seul. Je crois que c'était le debut d'une longue et insidieuse chute aux enfers!
Passage à la vie active, sans avoir trop cheché de travail, l'entreprise qui m'employait l'été , m'a tout de suite contacté à ma sortie de l'école, même ville que chez Papa et Maman, pas de route, tranquille......
Papa et Maman! adorables, mais qui nous avaient, moi et mes frères, sur-protégés , pas prêt du tout a affronter la vie quotidienne, les factures, les conflits du monde du travail, ect....
Je me suis retrouvé dans une entreprise oeuvrant dans le milieu de nuit, des discothèques, du spectacle, idéal pour poursuivre ma chute....
Pourtant j'étais en couple, pendant 17 ans, deux enfants adorables, que j'aime plus que tout au monde! Je m'enfonçais , doucement et surement au fil des années, mes propres parents n'y ont vu que du feu, ma compagne elle subissait, tentait de me secouer rien a faire.
Et puis, mon jeune frère, qui avait déjà chuté depuis longtemps, a mis fin a ses jours, a 27 ans.
Là je crois, que ca été le début de la fin, 5 mois plus tard je passais aux avertissements de mon employeur, de la médecine du travail, de mon médecin généraliste et aux menaces de la mère de mes enfants. Pour faire plaisir , a tout ce petit monde, je suis parti en soin (je n'aime pas le mot cure) , 4 semaines. Sorti du soin, comme bien entendu, j'étais plus fort que n'importe quel malade, j'étais sur de pouvoir continuer a avoir une consommation normale et modérée et je pensais que mon entreprise ne pouvait se passer de moi bien sûr!
Voila la deuxième étape des catastrophes, en 4 mois, j'ai perdu mon permis, détruit ma voiture et une autre au passage, perdu mon emploi. Pour ceux qui sont allés en soin, je puisais encore dans mon réservoir.
Quelques semaines, a la maison, sans emploi, sans permis, sans voiture, mais j'étais sauvé, je n'avais qu'a ouvrir la porte, traverser la ruelle et j'étais a l'épicerie pour m'acheter ma drogue. Jusqu'au jour ou, l'épiciere m'a pris a part dans la réserve pour me dire qu'elle ne voulait plus vendre mon apéritif anisé préféré. Je passais donc, ensuite mes journées a surveiller que son véhicule ne soit pas là, ses employées , elles , ne refusaient pas de m'en vendre. Mais je sentais mon état physique se dégrader, je perdais en vision, je commençais a boiter de la jambe gauche. Cela s'appelle de la polynévrite. J'ai rappelé le centre de soin ou j'avais été , qui m'a acceuilli sans me juger, et j'étais en confiance je les connaissais. La liste d'attente de ce centre étant tellement longue que j'ai du attendre 5 mois avant de pouvoir entrer en soin. J'ai fini par consommer tout ce qui passait, de préférence du pastis , 1 litre par jour, sans eau et sans verre.
Je suis donc rentré en soin dans un état pitoyable, limite de la cirrhose. Même pas eu le temps de voir le médecin généraliste, l'infirmière m'a donné un anxiolitique immédiatement et ensuite, j'ai un trop de mémoire horrible d'une semaine! Seuvrage difficile m'a t on dit! Relachement nerveux, medicaments, manque, je ne me souviens de rien pendant une semaine, ni si j'ai mangé, ni si je me suis lavé et encore moins si j'ai été aux toilettes.
J'ai récupéré mes esprits au bout d'une semaine dans un état de plénitude , j'étais bien! reposé! je plaisantais!
Bien entendu j'avais le traitement, jusqu'a 6 anxiolitiques par jour (ceresta 50 mg), aujourd'hui , j'en prend un je dors 10 h, mais la j'étais debout, et en forme!!!
J'ai pris ce soin à bras le corps, en ne me préoccupant pas des 11 autres patients, ou peu. Je faisait ce soin pour moi, et uniquement pour moi, et j'avais le temps de me soigner, j'avais enfin compris qu'il fallait que je fasse preuve de ce que j'appelle l'egoisme primaire, celui qui est necessaire pour sauver sa peau.
1 mois et demi de soin a temps plein en structure, et 7 mois d'hopital de jour, pour ré apprendre mon corps et surtout pour refaire connaissance avec moi, le vrai moi, celui que je n'aurais jamais du cesser d'être, celui qui porte toutes ces valeurs, celui qui a aussi des faiblesses et des défauts aussi.
Je viens de passer, il y a peu de temps, le cap des trois ans d'abstinence, la date est gravée en moi, comme celle de ma naissance, c'est celle de ma re-naissance.
Comment suis je aujourd'hui, en pleine forme pour quelqu'un qui ne devait pas atteindre les 40 ans, optimiste, serein, et dynamique.A l'age de 20 ans je n'étais pas aussi bien!
Et pourtant, mon ex compagne a mis fin à notre relation, alors que j'étais abstinent, imaginez si je m'étais soigné pour elle!!!!!
Alors, oui je me définit comme un phénix, cet oiseau mythique qui renait de ses cendre, je me le suis tatoué, pour ne jamais oublier d'ou je reviens...
Je n'ai pas de réponses précises sur les raisons de mon alcoolisme, je sais uniquement que je ne dois pas consommer, aujourd'hui je dirai que j'ai décidé de ne pas consommer. Et je ne cherche pas les raisons, je n'ai pas envie de me torturer, je fais le constat : je suis alcoolique et la seule manière de me soigner c'est d'être abstinent.
Je ne dirai a personne que c'est facile, c'est la chose la plus dure, la plus importante, mais aussi la plus enrichissante et la plus valorisante.
Sachez aussi, que ce forum permet d'echanger nos parcours de malade alcoolique, comme s'il y avait un langage alcoolique, car entre malades un mot une phrase , a un echo tout différent que chez quelqu'un qui n'est pas malade, il y a aussi de nombreuses associations, ou vous serez acceuillis dans le non-jugement et dans un esprit de soutien mutuel.
Est ce que je pense a l'alcool aujourd'hui, oui tous les jours, parceque je n'oublie d'ou je reviens, mais même si je reste vigilant a mes états d'âmes et au risques, je ne suis plus torturé.
Est ce que pour autant ma vie est idylique? non! j'ai une vie sociale à zéro, plus aucun ami, une famille que je vois a minima, je prends des missions d'intérim qui sont loins d'être a la hauteur de ce que je suis capable de faire, et en tant qu'homme il me manque une compagne et une vie de famille. La différence c'est que j'ai confiance, je vais retrouver tous ces paramètres de petits bonheurs simples
Alors, oui la vie est bien plus belle quand on est sorti de cette addiction.
Je reste à la disposition de tous, pour échanger sur le sujet qui nous réuni tous sur ce forum
Mikael

Merci pour ton témoignage, il est vraiment porteur d'espoir.
Tu soulignes aussi l'égoïsme primaire qui fait que nous pouvons nous en sortir en ne pensant qu'à nous et au but que nous poursuivons, c'est extrêmement important et pas facile à intégrer.
En tout cas, tu es en train de reconstruire ta vie sur des bases solides et ça, c'est vital....
Bravo pour ton parcours et pour le partage....
Juste une question. Pourquoi ne pas utiliser le mot "cure" ? Ce n'est pas un mot péjoratif, je ne comprends pas trop là...Mais bon, ce n'est pas grave..

je n'ai aucune explication rationnelle a refuser ce mot de de "cure", j'ai préféré le mot "soin", mais je crois que peu importe comment on l'appelle , tant que les gens ne me disent pas en "cure de repos", parceque ce n'en est pas une!!
Que chacun l'appelle comme il veut, l'essentiel étant d'y aller, de s'y investir a fond, pour mettre toutes les chances de son côté, d'y aller sans craintes, on y retrouve toutes les catégories socio professionnelles, mais tous malades, de la dame aisée, jusqu'à l'ouvrier, en passant par l'avocat, le gendarme, ou le directeur commercial. Notre maladie touche tout le monde, sans distinction

merci beaucoup pour ton témoignage et merci aussi d'avoir insister ainsi sur les bienfait de cet égoïsme sain a mettre en place.

a très vite.

Merci pour ton témoignage encourageant et plein de sagesse .

Merci pour ce beau témoignage
Puisse t il donner de l'espoir à ceux qui rament.

Bonjour Amiel,

Je suis impressionnée et surtout cela me donne du courage. Merci à toi

merci pour ta confiance et ce partage de ta vie,beaucoup vont se reconnaitre ds tes mots et y puiser l'espoir

pas grand chose à dire de plus que MERCI et sois heureux

Bon jour et bienvenue Amiel.....
Je voudrais savoir une petite chose.
Tu dis penser à l'alcool tout les jours, et aussi que tu ne sais pas ce que l'alcool t'amenait.
Voudrais tu dire que en gros tu es dans la résistance au quotidien?

Qu'est ce que l'alcool m'apportait. Comme beaucoup au départ , et comme les gens qui ont une consommation festive :l'effet désinhibiteur! Tu sais du type , je refais le monde, j'ai peur de rien ect....
Au fur et mesure, la consommation devient habituel, et pour atteindre cet effet il faut augmenter les doses
Et a la fin, j'en étais arriver a consommer pour oublier mes douleurs physiques, faire passer les tremblements, et soigner les bleus a l'ame. L'alcool est un puissant anxiolitique mais un tout aussi puissant anxiogène!!!
J'y pense effectivement tous les jours, mais pas en terme de tentation torturante. J'y pense parceque je prends chaque jour qui se présente comme une aubaine, comme une chance (même si parfois les conditions ne sont pas réunies, je m'y oblige). Tous les jours , je me dis qu'a cause de cette drogue, je pourrais être entre 4 planches, alors je suis heureux parceque je reviens de très loin.
A coté de ça , je ne demande pas a ce qu'on m'offre un cape de Superman, je suis un petit bonhomme comme les autres, si j'y suis arrivé , tout le monde peut y arriver
Mikael

Ok Micka, je comprend mieux....