Il était une fois

[size=12]Il était une fois.



Je suis incapable de dire précisément quand l’alcool est devenu maître ma vie.

Petite, puis ado, j’avais une phobie du vin (rouge). Je me souviens d’une fois où à table quelqu’un m’avait renversé un verre sur les genoux, j’ai cru m’évanouir de dégoût et j’ai entrepris de m’arracher la peau avec un gant de crin. Déjà bizarre la béa.

A 15 ans ma meilleure amie avait le droit le boire du whisky, alors, pour faire pareil, j’ai bu un peu de whisky les week end avec elle. Sans grande conséquences.

Mon premier verre de vin rouge je l’ai consommé à 22 ans, je le sais, c’était après avoir rencontré mon (futur) mari. J’aimais pas mais je ne vomissais plus. En revanche les trucs sucrés (kir, porto) j’aimais bien.

L’anorexie m’a protégée un peu, entre 20 et 30 ans. Mais les bases étaient déjà posées …j’allais plonger un jour ou l’autre mais je ne le savais pas. Un épisode d’alcool révélateur de malaise à 25 ans, le soir de la sainte Catherine (et j’étais même pas mariée) avec scarifications, comprimés de somnifère sur fond de porto. Un désastre. Deux jours de coma. C’était l’époque des fêtes avec les copains.

J’ai plongé dans la psychanalyse (12 ans sur mon divan).

Premier emploi sérieux.

Premier bébé – une sobriété de chameau. L’alcool était surtout périphérique : mon père, ma mère, mon frère, mon mari un peu. En fait j’étais cernée.

Puis vint la mort de mon père, le désespoir de ma mère, un gouffre. Elle a plongé. Je n’ai pas voulu la laisser seule, je voulais l’accompagner en bonne fille. Je voulais lui éviter de la honte tueuse.

Pour mon mari c’était plus compliqué, on allait mal, il buvait de plus en plus, en cachette souvent et je le haïssais pour ça. C’est donc à travers moi que j’ai voulu le punir, au nom de l’égalité entre les sexes sans doute…

Des années de montagnes russes, des soirées affreuses d’engueulades sournoises, de mépris, de larmes, de promesses non tenues.

Boire par amour pour ma mère, par désamour pour mon mari.

Des années chaotiques.

Un second bébé – toujours une sobriété de chameau, je me dois bien ça, je n’étais pas irresponsable!

Mais le mal était là, pas loin : aider ma mère, faire bouger mon mari.

Bien des fois lui et moi avons essayé d’arrêter, sans succès.

Puis encore la mort : ma belle mère et l’atroce douleur de mon mari, mon beau père …et le fond touché. Le fond sur lequel on rebondit, mais on retombe. Deux ans.

Deux ans à ne vivre que pour empiler les cuites du soir. Sauf le week end où les cuites commençaient à midi.

Les stratégies d’alcool en solitaire : changer de fournisseur, s’enfermer. Tout construire autour du symptôme. Perdre la mémoire pour oublier les soirées noyées de larmes et de colère, pour oublier le regard des enfants, ne plus voir la confiance vaciller et s’éteindre dans leurs yeux. Ne pas voir leur peur.

Deux ans d’enfer, d’enfermement.

Et voilà qu’un jour, une nouvelle fois, je me trouve en état de décision : ça suffit. Il y a eu trop de verre brisé, trop de faux drames, trop de ridicule et de tragique. Ca tombe comme ça un jour de septembre, après un retour de vacances où nous avons à peine dessoulé.

On a décidé à deux, sans se concerter, sans mettre au point aucune stratégie.

On tient une semaine. L’espoir renaît !

Et puis le samedi soir, un dernier (on l’attendait celui là, on le savait sans le savoir). Et direct l’engueulade désespérée. Les larmes, l’effroi, le sentiment qu’on n’y arriverait jamais, plus jamais.

Le dimanche, je me suis inscrite sur le forum …ça va bientôt faire deux ans.

Mon mari et moi avons fait cause commune, méthodes différentes. Moi je parle, lui c’est un taiseux. Chacun pour soi. On cause pas on avance.

Le forum m’a tout appris sur la maladie alcoolique. J’ai transmis mes connaissances sans en faire une affaire. J’ai lutté avec vous tous. Les flashes, le quotidien à dompter, les pièges à éviter.

Très vite, je trouve, j’ai réappris la vie, retrouvé le goût de vivre et de rire, les bonheurs minuscules, les infimes victoires.

La maison s’est transformée radicalement. Pas de tensions, beaucoup de rires et de complicité, les enfants qui ressortent de leur tanière pour retrouver la chaleur qu’ils avaient perdue. Et chaque jour le plaisir infini de la nouvelle journée. La curiosité. Et le regard à peine voilé de tristesse en regardant ma mère dériver solitaire sur le radeau qu’elle a choisi …

Mais ceci est une autre histoire.

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Béa merci pour ce témoignage poignant sur la longue descente des malades alcooliques, descente faite à deux, remontée faite aussi à deux.... Je vais le copier dans vos parcours, je pense qu'il sera précieux pour beaucoup de MA qui doutent encore et toujours.
Merci encore!!!!!

ton temoignage me parle bcp Béa et me permet de comprendre certaines choses que je n'arrivais pas a bien cerner.
MERCI d'avoir livré ton coeur

Merci beaucoup Béa.

Merci Béa

Merci Béa d'avoir écrit ce parcours.

Et quel parcours, histoire d'amour avec l'alcool, histoire à trois aussi histoire d'une descente aux enfers à deux, même à trois avec ta mère

Et quelle remontée !!!! que dire devant tant de détermination de pouvoir vous arrêter à vous deux. Vous auriez pu vous tirer encore et encore vers le bas, vers le fond et vous avez décidé que c'était non. Bravo !

Merci de vos mercis !
Je voulais juste dire que ma détermination (certaine) s'est enracinée dans votre amitié à tous .

Quel témoignage ça peut en faire réfléchir plus d'un
Merci de ce témoignage

A travers mon émotion en te lisant, un seul mot me vient Béa,

Respect

le respect qu'inspire ton témoignage, ton parcours, le respect devant ta générosité de venir en parler avec nous

bonjour

un temoignage tres puissant que vous avez écrit
merci à vous de faire partager votre parcours
et votre determination
bonne continuation

je viens juste de te lire ,béa!! oui j'ai beaucoup de retard ! et je viens de m'apercevoir ,que tu as, toi aussi ,galéré ,et par l'humour que je connais , vient une autre béa ! comme quoi l'humour est un bon reméde !

bonjour Michele,
Oui, j'ai galéré comme tout le monde ici. Ma longue et pesante bagarre des débuts était sur le forum qui a disparu c'est pourquoi tu n'as pas pu la suivre , mais elle a bel et bien existé. Maintenant j'ai appris à profiter de ce que j'ai, et de ce que je suis. Sans forfanterie ! C'est à dire que chaque minute m'appartient et que je déguste tous les plaisirs que je trouve. C'est vrai aussi que les 3/4 du temps je m'amuse bien dans ma vie et que le quart restant je parviens en grande partie à le relativiser .
Quant à l'humour , c'est une arme formidable , ça permet de mettre à distance les événements . La plupart du temps (pas toujours hein) je parviens à me dire , quand je suis au fond du trou , que dans deux ou trois mois j'en rirai ...alors pourquoi ne pas le faire tout de suite ?
Bises .

"L'humour: l'ivresse de la relativité des choses humaines;
le plaisir étrange issu de la certitude qu'il n'y a pas de certitude. "

M. Kundera

Merci pour ton témoignage, Béa, encore un parcours qui nous parle, on a tous plongé insidieusement...

sophie a écrit:"L'humour: l'ivresse de la relativité des choses humaines;
le plaisir étrange issu de la certitude qu'il n'y a pas de certitude. "
M. Kundera

totalement d'accord, merci sophie!

Je ne connaissais pour l'instant quasi que les "Zaventures de la Bavarde". Le ton n'est pas le même, il donne le ton du fond de l'histoire, l'enfer, la bataille, la victoire enfin... !
Merci, Béa, merci de cette confiance, cette générosité, dit Rayon d'Argent je crois, elle a bien raison.
Et bravo, tant bravo pour cette remontée à la force du poignet, à deux, "chacun de son côté ensemble". Respect, oui, chapeau bas.
Merci encore, Béatrisse, pour cette mise à nu toute simple et forte et vraie.
Bien sûr que ça aide, des témoignages comme celui-là, bien sûr qu'on se dit : "alors c'est possible !... alors moi aussi, et moi et l'homme, aussi, on peut y arriver !..."
Que d'espoir tu donnes !

Faut dire merci à Michèle qui est allée déterrer ce post .
Je l'ai relu du coup, toute émue qu'il vous parle et , magie, vous donne de l'espoir . J'aurais pu titrer "il était une foi" .
La vie parfois nous fait de ces surprises ...
Bises .

merci béa, et j'ai l'intention de lire le plus possible ,les anciens post!! je garde pour les soirées où il n'y aura pas " les experts" new-york police !! etc etc !!! donc pas souvent!!!!! biz

ben quan j ai lut ton histoire,je me diy que si toi t y est arrivé et revenu plusieur foit,je peux peut etre revenir du gouffre moi aussiseul pb,je sait pas comment my prendre ou as mattaquer en premier,ça fait plaisir de voir qu on peux y arriver

Pour commencer il faut arrêter l'alcool, un jour après l'autre. Mais je te conseillerai avant de voir un médecin qui pourra contrôler le sevrage et te donner des médicaments pour t'aider à passer ce cap parfois difficile.
Alors prends vite rendez vous avec un médecin...

Tu peux y arriver toi aussi betti mais il faut commencer par le debut et ne pas aller trop vite

Il faut te lancer maintenant et vivre au jour le jour au debut,c'est primordial Mais comme on te le repète,il te faut un suivi medical pour commencer,c'est trop dangereux de se lancer ds un tel sevrage sans aide medicamenteuse .

Bonjour Betti ,
Oui on peut y arriver , ça c'est tout à fait certain . Tu verras au travers des témoignages des uns et des autres que les parcours sont tous différents . J'ai eu la chance pour ma part de pouvoir arrêter seule - avec tout de même un très très grand soutien du forum - mais en cas de risque de rechute je n'hésiterai pas à aller consulter tous les spécialistes de la terre , ni à m'inscrire en cure.
J'ai lu ton témoignage , je sens ta "panique" comme tu le dis , et il me semble qu'il faut avant tout voir un médecin spécialisé. Ne reste pas seul et surtout ne te décourage pas .
Et reste avec nous , parle avec nous . Il ne s'agit pas de rêver s'arrêter il s'agit , un jour après l'autre, de mettre en place une stratégie qui te sera propre à toi même.
Je t'embrasse .

Je ne voulais pas oublier un gros Bisou pour toi Béa

merci Rayon
J'attrape ton bisou au vol et je me le colle sur la joue .

béa est de retour !!!!! où était tu passé ,vilaine !!!! bisous

Je ne suis pas partie Michèle, je lis , je lis