L'alcool dans notre culture...

**SHALE** 10/7/2022, 11:14

Edito du 10 juillet

L'alcool dans notre culture est un produit qui se consomme en groupe, c'est le type même du produit qui nourrit la convivialité.
Par contre, le malade alcoolique le sort de ce contexte pour en faire un médicament contre ses angoisses personnelles, ce médicament n'est plus lié qu'à lui, au besoin, s'il le faut il le cache ou se cache pour boire. Nous sommes loin de l'alcool convivial, nous sommes dans l'alcool médicament.
Quand une personne a donné ce rôle à l'alcool, c'est son seul mal-être qui va rythmer ses alcoolisations.
Mais le corps métabolisant la molécule psychoactive de l'alcool, cette personne va s'habituer à l'alcool et acquérir une grande tolérance. Il va lui falloir augmenter ses doses et ses prises d'alcool, pas pour trouver l'ébriété, mais pour maintenir l'effet anxiolytique de l'alcool. Il va se retrouver de plus en plus lié à ce produit.
Sa journée tourne entre un travail qu'il finit souvent par arrêter pour cause de mauvaise santé ou parce qu'il se fait licencier, les repas où il boit, les siestes où la nuit qui sont en fait de minisevrages d'où il ressort souvent très mal et cherchant un verre à tout prix.
On se rend compte très vite que l'alcool prend tout l'espace , tout le temps au détriment de tout le reste. Ses repères sociaux et affectifs s'effacent, eux aussi, peu à peu devant l'alcool.
Il peut se passer une chose que le malade alcoolique craint par-dessus tout, c'est qu'il se retrouve à l'hôpital pour une raison ou une autre, pas forcément grave, mais une raison qui le privera de boire de l'alcool le temps de son hospitalisation. C'est aussi pour ça que tant de malades alcooliques ne se font pas soigner ou ne vont pas consulter, au risque de leur vie parfois. Ils ne veulent surtout pas entrer dans un lieu où ils ne pourront plus boire à leur convenance.
Ce n'est plus l'alternance du jour et de la nuit qui structure le temps, mais c'est la consommation d'alcool et le manque qui peut en découler qui donnent le tempo. Les médecins diront que ces malades présentent une désorientation tempo-spatiale.
Là, on peut dire que le malade alcoolique sort de notre temps pour entrer dans un autre système qui n'a plus grand-chose à voir. Seul l'intervalle entre deux bouteilles à un sens dans sa vie.
Si cet espace crée par le produit permet au patient d’oublier son passé, de sortir de sa réalité, il lui empêche également de se projeter dans l’avenir. D'ailleurs son avenir n'est représenté que par le magasin où il peut trouver à boire discrètement.
Le malade alcoolique, s'il reste dans ce fonctionnement, a fait un choix de non-vie, sans doute pas un choix volontaire, mais si on lui propose de sortir de l'alcool, sans une longue préparation, le choix d'y rester sera la première chose qu'il décidera.